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une des salles du musée d’Athènes. Autour de la forteresse, dans des villages qu’elle couvrait de sa protection, habitaient les artisans qui travaillaient pour le prince et pour ses compagnons d’armes, les paysans qui cultivaient pour eux les champs et paissaient leurs troupeaux. Serfs ou francs tenanciers, ces ruraux s’employaient à défricher le maquis et à endiguer les torrens dévastateurs. C’est de ce temps que paraissent dater les plus anciens de ces canaux d’écoulement, de ces émissaires et de ces levées qui, en Béotie, avaient, dans l’antiquité, assaini le bassin du lac Copaïs et livré à la charrue de vastes espaces que, depuis lors, ont reconquis le marais et les miasmes qui s’exhalent de ses roseaux.

Le commerce, lui aussi, contribuait à la prospérité de ces petits royaumes. Si la forteresse n’était pas, d’ordinaire, située au bord de la mer, celle-ci n’était jamais loin. Le port de Nauplie avoisinait Tirynthe et Mycènes. Les trafiquans étrangers fréquentaient les marchés qui se tenaient sur le sable des grèves, et eux-mêmes, les sujets des princes achéens, habitués à la navigation par les courses aventureuses auxquelles ils avaient pris part, allaient porter, d’une rive à l’autre de la mer Egée, dans les îles et peut-être jusqu’en Syrie et en Égypte, les produits de leurs ateliers, par exemple leurs vases peints, ces vases d’argile, si originaux de forme et de décor, qui semblent avoir été surtout fabriqués dans la plaine d’Argos. On sait quels marins renommés étaient les Minyens, ces Minyens que l’on trouve à la fois en Thessalie, en Béotie, en Laconie, ailleurs encore, et chez qui est né le mythe du navire Argo.

Si l’historien saisit ainsi, sans trop de difficulté, les grands traits du tableau ; s’il devine, en gros, ce qu’a dû être, selon toute apparence, l’état politique et social de cette Grèce préhellénique, son effort et son ambition ne s’arrêtent pas là : il veut atteindre l’âme même de ces peuples et y surprendre le secret de quelques-unes au moins des pensées qui leur ont été le plus familières. Retrouver et rétablir l’ensemble de leur religion, il n’y faut pas songer. Les statuettes de pierre ou de terre cuite qui paraissent avoir été des simulacres divins sont d’une exécution trop grossière ; elles sont trop dénuées d’attributs et trop peu expressives. Quant aux figures de dieux ou de démons que l’on rencontre sur les pierres gravées et aux groupes qui semblent y retracer des scènes du culte, tout cela pique la curiosité, mais ne la satisfait point : l’image, là surtout où elle est très sommaire, ne se suffit pas à elle-même, lorsqu’on n’a pas, pour la commenter et l’expliquer, le secours de la poésie. Il est pourtant toute une part de