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sans doute pour être admis à venir Indiquer sur ses marchés. Le fait de ces relations commerciales est attesté aussi bien par les objets de fabrication égyptienne ou imités de modèles égyptiens qui ont été recueillis en Grèce que par la poterie mycénienne dont plusieurs exemplaires de choix ont été ramassés en Égypte. L’épopée a d’ailleurs conservé, en maint endroit, la trace de ces rapports : on y voit les Grecs visiter l’Égypte, tantôt comme trafiquans et comme hôtes des princes, tantôt en corsaires, qui débarquent à l’improviste sur les côtes pour y enlever du butin et des esclaves.

Grâce aux liaisons ainsi constatées et aux synchronismes dont elles fournissent les élémens, on arrive à déterminer, dans une certaine mesure, les limites de l’âge que paraît avoir rempli le développement de la civilisation des tribus au milieu desquelles les Achéens occupaient le premier rang, de cette civilisation que l’on est convenu d’appeler mycénienne, du nom de la ville qui paraît en avoir été le plus brillant foyer ; ce serait entre le XVIe et le XIIe siècle qu’elle aurait atteint son apogée. Par les mêmes méthodes, en tirant parti tout à la fois des indications que l’on doit à l’Égypte, de celles que l’épopée tient en réserve pour qui sait l’interroger, et surtout des monumens de tout genre qui ont été exhumés par les fouilles, on en vient, sans prétendre restituer le détail, à se faire une idée générale, très plausible, de ce que put être, au cours de cette période, la vie des populations qui nous ont laissé, dans tous ces ouvrages de leurs mains, des témoignages si divers et si imposans de leur puissance et de leur activité créatrice. Dans les lointains de cet arrière-plan que les trouvailles récentes ont ménagé à l’épopée, on voit se dégager, des profondeurs de l’ombre, des groupes dont chacun a son centre dans une citadelle, haut placée au-dessus de la plaine, sur quelque colline dont la crête est entourée d’épais et indestructibles remparts, sur quelque mont abrupt où l’art n’a pas eu beaucoup à faire pour achever ce qu’avait commencé la nature. C’est dans ce château que le roi dépose et enferme le butin qu’il rapporte des expéditions qu’il entreprend, à tout moment, sur terre et sur mer. Les énormes quantités de métaux précieux qu’il entassait dans son trésor et dont une partie le suivait dans la tombe, il les devait surtout à la guerre et à la piraterie ; mais tout ce pillage ne suffirait pas à rendre compte des progrès d’une industrie déjà fort avancée, de celle par qui ont été bâtis des édifices qui nous étonnent par leur masse et par la richesse du décor dont ils étaient jadis revêtus, de celle qui a façonné les armes de luxe, les bijoux et les instrumens que l’on admire aujourd’hui dans