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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 octobre.


Nos troupes sont entrées le 30 septembre à Tananarive. Partout, devant elles, l’armée hova avait pris la fuite ; mais, heureusement, il n’en a pas été de même du gouvernement. Celui-ci a bien voulu nous attendre. De notre rencontre au centre de la capitale est résulté un traité qui établit notre protectorat sur des bases solides. La nouvelle en est arrivée à Paris le 10 octobre : elle s’est répandue dans toute la France en quelques heures, et a provoqué partout une grande satisfaction. Les fautes du début, sur lesquelles les journaux s’étaient étendus avec trop de complaisance, les lenteurs inévitables avec lesquelles nous arrivaient les dépêches, tout avait contribué à exciter et à entretenir la nervosité de l’opinion. Il était temps que cette longue attente prît fin. Si nous avons au dehors, et une fois en campagne, le courage, l’énergie, la ténacité, qui assurent le succès de nos entreprises, nous manquons au dedans du sang-froid et de la patience qui permettent d’en attendre les résultats. Le malheur est que, dans ces brusques alternatives de confiance et d’abattement, nous sommes trop disposés à nous calomnier nous-mêmes, et que nous trouvons au delà des frontières des auditeurs encore plus disposés à nous croire. Les journaux étrangers affectaient, depuis quelque temps, de parler de la France avec une commisération bienveillante, qui était au plus haut degré irritante. Eh oui ! nous avons fait des fautes ; mais qui n’en fait pas ? Oui, des vies humaines ont été sacriflées en pure perte, par suite de préparatifs incomplets ; mais connaît-on une campagne militaire, et surtout une expédition coloniale, où les mêmes accidens ne se produisent pas ? Il faut ignorer l’histoire pour s’étonner de ces mésaventures, — nous ne disons pas pour s’en indigner, car, pour cela, le parti pris suffit. Lorsque l’expédition de Madagascar a été votée par les Chambres, nous avons pressenti, et annoncé aussi clairement qu’on pouvait le faire sans semer d’avance le découragement, tout ce qui est arrivé depuis. Mais ce qu’il