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LE
LEGS PHILOSOPHIQUE DE PASTEUR

Cet homme si simplement grand aimait peu le vain bruit des mots ; et sur une tombe où l’humanité reconnaissante s’incline, les louanges enflées avec des amplifications de rhétorique sonneraient creux. Désireux de rendre ici à Pasteur l’hommage que doivent à sa mémoire tous les organes de la pensée française, nous voudrions imiter ce maître lorsqu’il épiait une des forces de la nature. Empruntons à sa méthode ce que nous en pouvons prendre, faisons ce qu’il faisait lui-même pour les objets de son étude ; essayons de déterminer sa fonction dans la vie générale de son temps.

Les découvertes du savant ont été jugées et célébrées par ses pairs. À mesure qu’elles se produisaient, on en signalait dans cette Revue la signification et l’enchaînement. Nos collaborateurs qualifiés pour traiter des sciences naturelles m’ont épargné d’avance une tâche où je serais novice. Je renvoie aux bulletins de victoire qu’ils enregistraient le lecteur qui voudrait relire l’histoire de cette opiniâtre conquête sur l’inconnu. M. Vallery-Radot en a raconté ailleurs les étapes avec une parfaite clarté[1]. Les applications purement scientifiques de la doctrine sont familières à tous ceux qui ont quelque curiosité des secrets de la vie ; ses résultats pratiques et bienfaisans sont gravés dans toutes les mémoires.

Il y a autre chose dans le legs de Pasteur. Ce génie prudent ne croyait et ne voulait travailler que dans un ordre de connaissances rigoureusement limité par son objet. Malgré lui, par l’étendue et la force des principes d’où il était parti, ce chimiste

  1. Histoire d’un savant par un ignorant, Hetzel, Paris.