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du pillage du convoi, avait été déposé entre les mains des autorités de l’Église, pour subvenir à l’entretien des orphelins, héritiers indiqués des victimes.

Le juge E. D. Hog prit la parole après Sutherland, pour montrer les contradictions qu’il constatait dans les différentes dépositions. Son plaidoyer fut court, mais W. W. Bishop qui le remplaça par la pendant plus de cinq heures : il commença par attaquer avec la plus grande violence la déposition de Klingensmith, puis il tourna ses foudres contre le témoin lui-même, le comparant à Cain errant sur la terre, marqué au front du stigmate du meurtrier. Il fit ensuite observer que parmi les orateurs qui l’avaient précédé, quelques-uns avaient manifesté leur étonnement en constatant l’obéissance aveugle dont avaient fait preuve les gens incriminés ; il déclara qu’il n’y avait là aucun sujet de surprise pour quiconque connaissait la discipline rigide imposée par l’Église. Il taxa d’inconvenante l’observation du ministère public affirmant aux jurés que le monde avait les yeux fixés sur eux; seule, leur conscience devait les guider dans le prononcé du verdict dont dépendait la vie du prisonnier. La péroraison ne fut qu’une longue flatterie à l’adresse du jury, la glorification des sentimens dont il disait le savoir animé : elle excita les applaudissemens de l’auditoire composé presque exclusivement de Mormons, et le marshal fut obligé d’intervenir, pour rappeler à l’ordre les assistans.

Le dernier mot appartenait au ministère public qui, par l’organe de R. N. Baskin, commença par prendre sévèrement la défense à partie. L’orateur dit que, si un étranger avait entendu les attaques portées contre le peuple des Etats-Unis et ses attorneys, il aurait été en droit de se demander : « Qui donc était en accusation ici? » Puis, revenant à la cause, R. N. Baskin constata que le fait du massacre, odieux en lui-même, révoltant par les détails, était établi, reconnu; il parla de l’organisation de la légion de Nauvoo, corps de troupe qui offensait la conscience publique, qui n’était qu’un instrument brutal entre les mains du despotisme de l’Église et qui faisait partie intégrante de celle-ci, ses officiers les plus élevés en grade étant en même temps revêtus des plus hautes dignités ecclésiastiques. Le recueil des lois de l’Utah en main, il prouva que jusqu’à l’année précédente, leur exécution était confiée aux autorités mormonnes, que le marshal du Territoire, chargé des poursuites criminelles était nommé par le même pouvoir ; que les Probate Courts exerçaient leur action concurremment avec les Courts de District des États-Unis. En 1874, seulement, un acte du Congrès investissant le District attorney des États-Unis du pouvoir d’exercer les poursuites, avait changé le système judiciaire.