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pas avec Lee, lors de la visite de celui-ci, et Brigham Young n’avait aucun souvenir que le premier lui eût jamais parlé du massacre, ni que lui-même eût donné des instructions à Klingensmith touchant les dépouilles des émigrans; il avait toujours ignoré et ignorait encore l’emploi qui en avait été fait. Il n’avait pas, en tant que gouverneur, ordonné une enquête et traduit les coupables devant la justice, parce qu’un autre gouverneur venait à cette époque d’être nommé par le président des Etats-Unis, que ce gouverneur était en route pour prendre possession de son poste, et parce qu’il n’y avait pas de juge des États-Unis dans l’Utah. Peu de temps après l’arrivée du gouverneur Cumming, il avait prié celui-ci de prendre avec lui le juge Cradlebaugh, du District sud, offrant de leur prêter son concours pour procéder à une enquête et amener les coupables devant la justice. Vers le 10 septembre 1857, il avait reçu de Isaac C. Haight, ou de John D. Lee une communication concernant le convoi des Arkansais, — il avait recherché ce document, mais ne l’avait pas retrouvé, — et en réponse, il avait écrit à Isaac C. Haight qui remplissait les fonctions de président à Cedar City, de laisser non seulement cette troupe d’émigrans, mais tous les convois analogues, traverser paisiblement le Territoire et de calmer les Indiens hostiles qui voudraient leur faire un mauvais parti. »

Cette déposition singulièrement maladroite de la part d’un homme aussi avisé et où Brigham Young faisait si bon marché de ce pouvoir autocratique dont tout le monde le savait investi, restera comme la preuve écrasante de la complicité du président dans le massacre des Mountain Meadows, complicité dont paraît cependant douter l’historien Hubert Howe Bancroft.

Quant à George A. Smith, sa déposition était fort courte : après y avoir dit qu’il avait 58 ans, que la maladie l’empêchait de paraître devant la Cour, il déclarait qu’en 1857 il était un des douze apôtres de l’Eglise de J.-C. des Saints du dernier jour, qu’il n’occupait aucune autre position officielle et n’avait aucun grade dans la milice ; il certifiait qu’il n’avait pris part à aucun conseil auquel auraient assisté W. H. Dame, Isaac C. Haight et autres, où il aurait été question d’attaquer le convoi massacré dans le courant de septembre 1857. En un mot, il tenait pour fausses toutes les accusations portées contre lui.

L’audition des témoins était terminée, — Le mardi 3 août, le juge Boreman prit la parole et, s’adressant aux jurés, leur expliqua les devoirs que la loi leur imposait, les articles du Code criminel applicables en la circonstance, et leur rappela qu’ils étaient libres, qu’ils ne dépendaient que de leur conscience. Il insista sur ce qu’ils étaient seuls juges des faits exposés devant eux et du degré