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compte de l’expédition ; il raconta qu’il avait couru de sérieux dangers, ses vêtemens ayant été traversés par deux balles, au moment où il allait déployer le drapeau de parlementaire. Le récit qu’il fit des faits, — du moins tel que le rapporta Anne Eliza Hog, — concordait absolument avec les témoignages recueillis précédemment. En finissant, Lee dit avoir tué un homme et un enfant, d’un même coup de feu, mais qu’il n’était pas responsable du sang innocent ainsi versé ; la faute en était à l’homme qui tenait l’enfant dans ses bras et s’était refusé à le lui livrer. Anne Eliza habitait Fort Harmony, dans le comté du Iron; elle y vit trois ou quatre des orphelins qui avaient été épargnés, mais l’un d’eux, un petit garçon, ayant montré du doigt l’assassin de son père — un Indien qu’il voyait porteur des vêtemens dont celui-ci avait été dépouillé, — l’infortuné disparut un beau jour et personne oncques n’en entendit parler. Lee avait, du reste, formellement recommandé qu’on ne fît jamais aucune question à ces enfans, dans l’espérance que le souvenir des événemens s’effacerait de leur mémoire.

Les dépositions de Thomas D. Willis, John H. Willis, William Matthews, William Young, Samuel Pollock, John Sherratt, William Bradshaw, — qui raconta que venu au rassemblement de la milice avec une pelle et sans fusil, il fut bafoué et renvoyé, — de Robert Kershaw et d’autres encore,. confirmèrent les accusations portées contre Lee.

Durant ce défilé des témoins, il se produisit deux incidens.

Le premier eut son origine dans une discussion qui s’éleva entre Baskin et Sutherland pendant l’interrogatoire contradictoire auquel était soumis Samuel Pollock et occupa la Cour pendant deux heures. Les sympathies de Pollock étaient très visiblement acquises à l’accusé, dont les défenseurs avaient constamment cherché à obtenir, tant de lui-même que des différens témoins, des dépositions sur ce qui avait pu être dit, soit par les uns, soit par les autres, tandis que Carey avait toujours dirigé les interrogatoires de façon que les réponses portassent uniquement sur les faits. Les efforts de la défense pour obtenir des témoignages sur les propos qui avaient été tenus, à aucun moment des débats, ne se manifestèrent plus énergiquement que dans l’interrogatoire de Pollock par Sutherland, dont le but était de démontrer que la responsabilité du massacre incombait aux Indiens qui, — prétendait la défense, — étaient les maîtres de la situation et avaient forcé, par leurs menaces, les blancs à prendre part aux meurtres commis. Citant de nombreuses autorités à l’appui de sa thèse, Baskin soutint que, sauf les cas bien déterminés de défense personnelle, de défense de propriété ou d’accident, tuer un homme est toujours un