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labours; son autorité était limitée au temporel; il était sous les ordres de Isaac C. Haight, président de son district. Lorsqu’au conseil tenu à Cedar City, il avait été question de la destruction du convoi, aucune raison n’avait été mise en avant, il en fut étonné, et ce fut là, d’ailleurs, qu’il apprit les ordres venus d’en haut, portant défense de communiquer avec les émigrans. Ni durant ce conseil, ni plus tard, bien qu’il désapprouvât la mesure, il n’osa y faire une opposition sérieuse, parce qu’il eût risqué sa vie. Sa longue expérience autorisait ces craintes, et d’autres, qui pensaient comme lui, agirent de la même façon. Cette assertion provoqua une protestation de W. W. Bishop, un des avocats de la défense : il déclara qu’aux Etats-Unis on aurait quelque peine à admettre l’existence d’un état de choses tel que l’homme, occupant le second rang dans la région, eût pu être forcé de tremper ses mains dans le sang, pour mettre à l’abri sa vie, qui eût été en danger s’il eût refusé d’obéir et de participer à un assassinat.

Joël M. White fut interrogé ensuite, et sa déposition confirma celle de Klingensmith sur tous les points. En ce qui le touchait personnellement, White dit que Haight l’avait envoyé à la Pinto Creek porter une lettre destinée à Richard Robinson, chargé de la surveillance des Indiens, l’informant que ceux-ci devaient laisser passer les émigrans sans les molester. Il ne savait pourquoi cet ordre avait été révoqué. Lorsque Higbee lui commanda de se rendre aux Mountain Meadows où un combat s’était engagé entre les Indiens et les émigrans, il lui répondit qu’il n’avait pas de fusil; il dut, néanmoins, marcher avec sa charrette pour aider au transport des hommes et des vivres; il ignorait, à ce moment, si on allait secourir les Indiens ou le convoi. Il ajouta qu’une semaine environ avant le passage de celui-ci, des émissaires étaient venus exciter l’animosité des habitans, en racontant, entre autres choses, que les Arkansais avaient empoisonné la rivière Corn Creek et il affirma que ce fut Lee qui fit aux Peaux-Rouges la distribution du bétail leur revenant, comme part du butin.

Une femme, Anne Eliza Hog, sourde mais non pas muette, — on eut occasion de le constater, — succéda à Joël White. Elle déclara avoir assisté à un meeting provoqué par Lee, la veille du départ de la milice. À cette réunion, Lee tint les discours les plus violens, faisant remarquer que les Mormons avaient déjà assez souffert par le fait des Gentils à Nauvoo, et ailleurs; que le président Haight avait refusé de recevoir leurs délégués ; et qu’il valait mieux en finir avec eux. Cette motion fut votée par acclamation et la milice partit le lendemain matin. Cinq jours plus tard, les hommes rentrèrent et, dans une nouvelle réunion, Lee rendit