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pas Lee à Cedar City, mais seulement plus tard, à Salt Lake.

Le conseil pour la défense, à cet instant, s’opposa à ce que le témoin répondît à la question qui lui fut posée sur la conversation qu’il avait alors eue avec Lee. Un long débat s’ensuivit, et la cour finit par décider qu’elle pourrait accepter à titre de témoignage les déclarations du prisonnier tendant à l’incriminer lui-même.

Le témoin donna de nombreux renseignemens sur le partage du butin, puis il dit que Lee avait été envoyé à Brigham Young pour lui rendre compte des événemens, que quelques jours après, à Salt Lake City, il retrouva le messager et que celui-ci l’informa que le président était au courant de toute l’affaire. Le lendemain Lee, Charley Hopkins et Klingensmith se rendaient chez Young qui leur faisait le meilleur accueil et, en les congédiant, leur recommandait de ne rien dire du massacre à personne et de n’en même pas parler entre eux. En terminant sa déposition, le témoin ajouta qu’il ignorait comment les Indiens avaient été amenés à prendre part à la tuerie, mais qu’il avait su par Allen et Joël White, que des instructions avaient été données à Lee, à l’effet de se rendre à la Pinto Creek où se trouvaient les Peaux-Rouges et de les réunir. Il affirma ne connaître le nom d’aucune des victimes et ne savoir si l’ordre d’exécuter le massacre émanait de George A. Smith, commandant de la légion de Nauvoo, de l’Utah du sud. Lee avait le commandement, sur le terrain, des troupes dont W. H. Dame était le colonel, John M. Higbee le lieutenant-colonel et Isaac C. Haight le major.

L’interrogatoire de Klingensmith dura jusqu’au samedi matin. Il parut, à diverses reprises, avoir une certaine répugnance à parler, mais il répondit avec un grand accent de vérité à toutes les questions qui lui furent adressées et toujours après avoir mûrement réfléchi. Cinq individus ayant, comme lui, pris part au massacre, furent amenés à la barre; aucun n’avoua qu’il avait tiré sur les émigrans ; lui seul ne s’en cacha pas et dans l’interrogatoire contradictoire que lui fit subir le juge Sutherland, comme celui-ci lui disait : « Je suppose que vous avez tiré par-dessus la tête de ces malheureux? — Non, répondit-il, j’ai bien tiré sur l’homme qui m’avait été désigné et j’ai lieu de penser que je l’ai tué. »

Cet interrogatoire contradictoire n’eut d’autre résultat que de donner à Klingensmith l’occasion de faire connaître quelques nouveaux faits intéressans.

Il dit qu’en 1857 il était évêque de Cedar City; comme tel, ses fonctions consistaient à veiller aux intérêts matériels de la communauté, à la perception de la dîme, à la surveillance des