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l’Utah, l’Hon. Jacob S. Boreman, chargea le premier grand jury, dont la liste fut dressée conformément à la loi nouvelle, de procéder à une enquête sur le massacre des Mountain Meadows et de prononcer la mise en accusation de toute personne ayant participé à son exécution. Le résultat de l’enquête amena la mise en accusation, sous l’inculpation de meurtre et de complicité de meurtre, de William H. Dame, John Doyle Lee, Isaac G, Haight, John M, Higbee, Philipp Klingensmith, William G. Stewart, Samuel Jukes, George Adair junior, et de quelques autres. Des mandats d’amener furent lancés contre eux, et après quelques jours de recherches énergiquement menées, John D. Lee et William H. Dame furent arrêtés et conduits en prison pour être jugés.

L’ouverture du procès, devant la cour du second district, à Beaver, dans l’Utah méridional, fut fixée au 12 juillet 1875. L’accusation était soutenue par l’Hon. William G. Carey, district attorney pour les Etats-Unis, assisté de R. N.-Baskin, — de Salt Lake City, — et du juge Whedon, — de Beaver. Au banc de la défense devaient s’asseoir MM. Sutherland et Bates, le juge Hoge, Wells Spicer, John Mc Farlane et W. W. Bishop, — de Pioche.


III

Au jour dit, à 11 heures du matin, la cour fit son entrée dans la salle où devait se dérouler le procès. Le président, le juge Boreman, déclara immédiatement l’audience ouverte, et on procéda à l’appel des noms des personnes inscrites sur la liste des gens susceptibles de faire partie du jury : 32 répondirent, et après vérification il fut reconnu qu’une seule, comme étrangère, ne remplissait pas les conditions requises. Puis la cause fut ajournée, en raison de l’absence d’une partie des témoins assignés ainsi que d’une négociation entamée entre la défense et l’accusation, par suite du désir exprimé spontanément par Lee de turn states evidence, c’est-à-dire, en bon français, de se présenter comme témoin et de dénoncer ses complices[1].

Le ministère public était moins anxieux de provoquer la condamnation du prisonnier que d’arriver à connaître tous les détails, depuis si longtemps tenus cachés, du massacre. Il était, comme Cradlebaugh jadis, convaincu qu’il se trouvait derrière Lee des gens haut placés; que Lee n’avait été qu’un instrument; et que, s’il disait toute la vérité, ainsi qu’il en manifestait la volonté, le but visé par la justice serait atteint plus sûrement que de toute autre façon. Ce qui contribuait à faire supposer que le prisonnier ne cacherait

  1. Ce qui assure la grâce du témoin dénonciateur.