ont-ils été blessés dans les bras de leur mère, frappée mortellement, — que 17 petits enfans, trop jeunes pour pouvoir plus tard se rien rappeler, et tandis que quelques-uns des meurtriers portent ces pauvres orphelins dans un ranch voisin, les autres dépouillent les corps des victimes ou donnent la chasse au petit nombre d’hommes déterminés qui, sentant toute résistance vaine, ont fini par se frayer un passage. Deux de ces hommes sont tués alors qu’ils cherchent à étancher dans un ruisseau encaissé, coulant à quelque distance et où ils se croyaient momentanément à l’abri, la soif qui les dévore. Trois autres ont fui dans la direction de l’ouest; des Indiens montés se jettent sur leurs traces, ne tardent pas à les rejoindre et les massacrent comme leurs compagnons.
L’œuvre de mort terminée, — il avait suffi d’une demi-heure, — les Indiens se dispersèrent, tandis que les troupes de la milice reprenaient la route des localités d’où elles avaient été amenées, abandonnant les cadavres, nus, sans distinction d’âge ni de sexe, pour servir de proie aux loups ou pourrir sur place et, quinze jours plus tard, des gens qui passaient près du lieu du massacre frissonnaient d’épouvante devant le spectacle qui s’offrait à leurs yeux: sur un espace de plus d’un kilomètre carré, on voyait dispersés des débris informes en partie dévorés, à côté d’ossemens d’adultes et d’enfans, de têtes de femmes dont les cheveux épars demeuraient accrochés aux buissons. Détail singulier, le corps d’une jeune fille qu’une balle avait frappée un peu au-dessous du cœur et qui semblait dormir tant son visage respirait le calme, gisait seul à l’écart, intact, respecté par le temps et par les fauves.
Le partage du butin s’effectua rapidement. Aux Peaux-Rouges furent laissés les vêtemens ensanglantés et déchirés dans la lutte, les munitions ainsi que la petite quantité de vivres trouvés. Le reste fut divisé entre les Mormons, après que la dixième partie en eut été mise de côté pour l’Eglise ou plutôt pour Brigham Young. Un dixième du bétail fut ainsi immédiatement dirigé sur Salt Lake City où il fut vendu au profit du Président. Quant à ce qui constituait la part prélevée pour lui, sur les autres objets pillés, on le rangea dans les magasins destinés à recevoir la dîme perçue sur tout ce qui était produit ou vendu dans l’Utah, conformément à la loi mormonne, et, trois mois après, tout cela fut mis aux enchères. Nombre de femmes purent, par la suite, se parer de bijoux acquis à cette vente et, en manière de plaisanterie, les initiés, qui connaissaient l’origine de ces bijoux, disaient, lorsqu’il y était fait allusion, qu’ils provenaient du siège de Sébastopol. Officiellement, pour sa part, John D. Lee reçut environ 250 têtes de