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progression elle-même, le rapport de la position sociale à la puissance électorale, et, ce rapport déterminé, à l’exprimer arithmétiquement — pour telle position, tant de voix ; — mais, avant de le déterminer, que de questions il y aurait à résoudre ! La « position sociale » compterait-elle en masse et conférerait-elle, indivisément, tant de voix supplémentaires ? ou bien, comme c’est un composé, la décomposerait-on pour donner tant de voix à la propriété, tant à l’instruction, tant à la profession, etc. ? Et si on la décomposait, donnerait-on à la propriété, à l’instruction, à la profession exactement le même nombre de voix ? donnerait-on autant de voix à la petite qu’à la grande propriété, à l’instruction moyenne qu’à l’instruction supérieure, et aux professions moyennes qu’aux plus hautes fonctions de l’État ? Dirait-on, par exemple : « Tout citoyen qui paie plus de 500 francs de contributions directes a une voix supplémentaire ? » ou dirait-on : « Tout citoyen qui paie 500 francs a une voix supplémentaire ; tout citoyen qui paie 1 000 francs, deux voix ; 2 000 francs, trois voix, et ainsi de suite » ?

L’esprit et le but du vote plural étant ce qu’ils sont, — incontestablement, plus le thermomètre électoral sera sensible aux inégalités naturelles et sociales, plus la gradation en sera délicate — et plus près ce régime sera de la perfection. Mais, pour rendre un pareil régime supportable à notre monde, en notre temps, il faudrait qu’on ne fît de la position sociale, induite de la fortune, de la culture et de la profession, que la base principale, non point la base unique, et que l’on reconnût, à côté d’elle, d’autres élémens de pluralité plus accessibles, ou — comment dire ? — plus démocratiques : l’âge, l’habitation, l’épargne, la qualité de chef de famille ? d’où les mêmes questions à trancher et d’autres coefficiens à calculer. Au-dessus de 30 ans, aurait-on toujours une voix supplémentaire, et n’en aurait-on qu’une ? Ou serait-ce une à 30 ans, deux à 40 ans, trois à 50 ans ? Le chef de famille n’aurait-il qu’une voix supplémentaire une fois donnée, quel que soit le nombre de ses enfans ? en aurait-il une pour la femme et une par enfant ? les enfans mineurs et de sexe féminin compteraient-ils au père, ou ne compterait-on que les garçons parvenus presque à la majorité, comme entre 18 et 21 ans ?

Et soit : il serait entendu que le citoyen qui aurait le moins de voix en aurait au moins une, mais combien de voix aurait le citoyen qui en aurait le plus ? Trois, comme aux élections politiques en Belgique ? six ou douze, comme jadis à certaines élections locales en Angleterre ? cent, comme aux élections communales à Stockholm ? Dans un des projets de vote plural les plus fortement motivés et les plus minntieusement étudiés