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politique et ethnique, n’aurait qu’à s’abstenir. Les panégyristes de la guerre feraient bien de méditer sur ces lois de physiologie sociale, qui aboutissent au Væ victoribus non moins qu’au Væ victis.

En l’absence des guerres, les villes continuent la consommation des parties les plus actives et les plus intelligentes de la population, non seulement en France, mais dans la plupart des autres contrées. En trente années, les centres urbains ont absorbé chez nous sept centièmes de la population totale, au détriment des petites communes. Dans les villes, la natalité est moindre qu’ailleurs, la mortalité plus élevée. Les partisans des villes font cependant observer qu’à Paris la proportion des décès n’est supérieure que de 5 pour 100 à celle de l’ensemble de la France, qu’elle va diminuant avec les progrès de l’hygiène, enfin que, si on tient compte de tous les individus qui se rendent à Paris dans l’intention d’y vivre « à haute pression », les conditions d’existence y semblent plus favorables qu’ailleurs. — Soit : mais c’est précisément cette vie à haute pression qui est dévorante, dangereuse pour l’équilibre physique et moral. N’est-il pas démontré que les familles s’éteignent rapidement dans les grandes cités, qui ont besoin sans cesse d’être renouvelées par les recrues de la province ? Les anthropologistes ont établi en outre que les villes consomment principalement des dolicho-blonds et des dolicho-bruns, en exerçant une puissance d’attraction sur ces deux races entreprenantes, intelligentes, inquiètes, nullement casanières, ennemies par instinct de l’isolement campagnard. Après avoir prospéré au milieu des grandes villes, ils s’éteignent bientôt dans leur postérité. Toutes ces causes réunies amènent l’absorption progressive des dolicho-blonds et bruns dans la lourde masse des brachy-bruns. L’indice céphalique augmente d’un degré depuis le moyen âge, au profit des crânes larges; la taille diminue et la couleur se fonce. Nous redevenons donc de plus en plus celto-slaves et « touraniens », comme nous l’étions avant l’arrivée des Gaulois, tandis que l’élément dit aryen va diminuant chez nous d’importance et d’influence. Tel est le phénomène qui inquiète certains anthropologistes. Il se produit d’ailleurs chez tous les autres peuples européens, quoique avec moins d’intensité et de rapidité dans le nord-ouest. C’est, pour ainsi dire, une russification générale et lente de l’Europe, y compris l’Allemagne même, un panceltisme ou panslavisme spontané. Il est impossible encore d’apprécier les conséquences heureuses ou malheureuses de ce changement, mais ce qui est certain, c’est que l’équilibre de nos trois races composantes est compromis par la montée continue d’élémens nouveaux due à