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absorber par eux. De là le grand nombre de peuples mixtes dans lesquels ils formèrent un élément constitutif : Celto-Scythes, Celto-Ligures, Gallo-Romains, etc.

L’esprit de sociabilité et de prompte sympathie engendre celui de générosité. On connaît le passage où Strabon dit que les Gaulois « prennent volontiers en main la cause des opprimés », aiment à défendre les faibles contre les forts. Ils punissent de mort l’assassin d’un étranger, tandis qu’ils n’imposent que l’exil au meurtrier d’un concitoyen ; enfin ils protègent les voyageurs. Polybe et César parlent aussi de ces associations de « fraternité » où de jeunes guerriers, s’attachant à quelque chef en renom, s’imposaient un dévouement absolu à sa personne, « montant sur le bûcher en même temps que celui qui les avait aimés ». Ici le Germain et le Celte se fondent en un. Comme ombre au tableau, les historiens nous montrent chez les Gaulois la vie des sens portée à tous les excès, « des mœurs légères et dissolues, qui les font se rouler à l’aveugle dans la débauche ». Michelet prétend que, si les Gaulois étaient débauchés, du moins ne connaissaient-ils pas l’ivrognerie des Germains ; cependant Ammien Marcellin nous dit que, « avides de vin, les Gaulois recherchent toutes les boissons qui y ressemblent ; on voit souvent les hommes de la classe inférieure, abrutis par une ivresse continuelle, errer en décrivant des zigzags ». Le peuple s’enivrait surtout avec la cervisia, le zythus et le corma. Les Celtes de notre Bretagne, aujourd’hui encore, ne donnent guère l’exemple de la tempérance. Tout au plus peut-on conjecturer que l’ivrognerie celtique devait être moins sombre que l’ivresse germanique. À vrai dire, les vices des barbares sont presque partout les mêmes. Toutefois, la sobriété des Méridionaux, tels que les Latins et les Grecs, contrastait, dès l’antiquité, avec l’intempérance des peuples du Nord.

L’esprit de société et la préoccupation d’autrui engendrent tout naturellement la vanité. Bien connue est l’ostentation gauloise. Les vêtemens en poil noir des Ibères et leurs bottes tissues de cheveux contrastaient avec les saies des Gaulois aux vives couleurs, bariolées, quadrillées, semées de fleurs en broderie. Des chaînes d’or massives recouvraient leurs poitrines « blanches et nues ». Ils prenaient un soin particulier pour ne pas devenir ventrus, jusqu’à punir, dit Strabon, les jeunes gens dont l’ampleur dépassait les dimensions permises[1].

  1. Les peuples germaniques, ou qui se croient tels, accusent les races celtiques de malpropreté. Comment se fait-il que les Gaulois aient inventé le savon ? Au témoignage d’Ammien Marcellin, ils donnaient, tout au contraire, grande attention à l’entretien de leur corps et on ne les voyait jamais couverts de sales haillons.