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mais des défaveurs de la Providence. Les catholiques sont innocens de tous ces malheurs.

« Il y a là une force qui se réserve ; dans l’organisme politique de la jeune Italie, il y a une inconnue. Observez qu’aux élections législatives les abstentions sont nombreuses[1]. Le chiffre des votans oscille entre cinquante et soixante pour cent des électeurs. A Rome, cette année même, dans un quartier où le ministre Baccelli luttait contre un révolutionnaire, la proportion des votans aux inscrits fut de 36 pour 100. Répartissez, comme il sied, cette foule d’abstentionnistes, en catholiques et en blasés; vous trouvez qu’elle est tout près d’être une majorité. Or les catholiques s’organisent, surtout dans le Nord, où les dirige un petit-neveu de Joseph de Maistre, infatigable fondateur d’œuvres sociales ; dans les élections municipales et provinciales, ils doivent à cette orientation de très notables succès. Ils accumulent leur force et ne la dépensent pas ; ils attendent. »

Je quittai mon interlocuteur avec cette impression, que le Vatican, par sa longue patience, aura peut-être plus de prise sur l’Italie, lorsqu’il jugera l’heure venue, que l’Italie n’en a sur le Vatican, cerné par elle. Durant les fêtes, l’administration des postes et télégraphes de Sa Majesté eut à transmettre à Sa Sainteté un très grand nombre de lettres et de dépêches, venues, non pas seulement de tous les points du monde, mais de tous les points du royaume.


VIII

Elite ou coterie, — élite de jadis, dont la victoire a fait une coterie, — les patriotes qui ont demandé et obtenu les solennités du 20 septembre, et qui s’y sont fêtés eux-mêmes, représentent, en définitive, une fraction seulement du peuple. Récompensés comme ils le méritaient, ils sont des parvenus de la révolution ; ils doivent à leur passé une situation sociale. Mais, tandis qu’autour d’eux l’esprit public s’est renouvelé, tels ils étaient, tels ils sont restés. Habitués à haïr le gouvernement des prêtres, ils continuent de haïr les prêtres après la disparition de ce gouvernement. Habitués à se repaître l’esprit de ce mot abstrait : « liberté », ils ramassent encore, dans ce mot-là, l’alpha et l’oméga de leurs rêves, bien que depuis vingt-cinq ans cette liberté politique existe, au moins pour eux. Ils ont cru précéder le pays, et ils n’ont point marché avec lui. Ce qui préoccupe aujourd’hui l’Italie,

  1. Voir les statistiques de M. Orazio Focardi : I partiti politicî alle elezioni generali dell’ anno 1893 (Extrait du Giornale degli economisti).