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plus inquiets encore après les fêtes qu’avant. La foule trouve le monument superbe ; elle prête peu d’attention à la façon dont on l’inaugure. Et quant à la « démocratie », qui s’était fait offrir ces somptueuses fêtes, il lui suffit que le pape, ennemi prochain, ait reçu une bonne leçon, même moyennant quelques concessions à l’ennemi lointain, Dieu.


VI

En Italie, il n’y a pas moins de deux autres fractions populaires qui ont quelque droit, elles aussi, à s’intituler « démocratie » : l’une radicale (ce qui veut dire républicaine), l’autre catholique. On a trouvé, dans les sphères officielles, qu’au 20 septembre la première se faisait trop voir et que la seconde boudait à l’excès.

Le Panthéon patriotique de la jeune Italie compte au Transtevere un certain nombre de saints locaux, d’un aloi trop douteux, paraît-il, ou d’un républicanisme trop authentique, pour que le gouvernement central s’associe à leur culte ; il compte aussi, au delà des frontières, à Trieste, quelques valeureux martyrs, auxquels l’encens officiel doit être provisoirement refusé. La démocratie radicale condamne ces tiédeurs et ces ajournemens. Elle a eu ses cérémonies à elle, que surveillait la police, mère ou marâtre suivant les instans.

On a toléré généralement l’hymne de Garibaldi : c’était à peu près nécessaire, puisque la cour honore son bronze. Mais l’hymne de Mameli fut presque constamment proscrit. Les manifestans regrettaient beaucoup l’absence du « Messie de la Sicile », M. de Felice, dont l’immunité parlementaire subit une longue réclusion; mais, dès que son nom était prononcé, la police intervenait. La démocratie radicale a fait, le 21, son pèlerinage à Garibaldi, vingt-quatre heures après le roi; en revanche, elle a tourné le dos à Cavour, pour faire, comme l’on dit à Rome, une gita patriotique à Mentana.

M. Antonio Fratti dirigeait la gita. Dans un récent article d’une revue radicale[1], il traduit l’état d’esprit de ses amis. Il dénonce les longues tergiversations que fit la royauté piémontaise avant de s’installer à Rome; il flétrit la répression des émeutes méridionales, la perpétuité des divisions sociales; il déclare qu’à la brèche de la Porte Pie devait succéder « une bien autre brèche, morale et politique »; il conclut qu’on ira manifester,

  1. Rivista popolare, 15 septembre 1893, p. 513-517.