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APRÈS FORTUNE FAITE

CINQUIEME PARTIE (1)

XIX

M. l’intendant avait dit vrai, le vieux poirier qu’on croyait mort avait subitement reverdi. Par intervalles, à de certains jours, M. Trayaz était un autre homme. Il le sentait lui-même et il faisait honneur de son heureux changement à deux jumelles qui lui avaient plu, avec lesquelles il avait beaucoup bavardé, et plus encore au neveu récalcitrant qu’il se promettait de réduire à l’obéissance. Si son visage flétri s’était ranimé, si son regard sombre, éteint, s’était réchauffé, son cœur n’en était pas plus tendre. Aux raisons majeures qu’il avait eues de faire venir chez lui Mme Ameline Verlaque s’en ajoutait une autre que M. Sucquier n’avait pas dite : il aimait à inquiéter sa famille. Il lui préparait une surprise désagréable pour le mois de mai, dans la personne de trois Américaines dont il espérait la visite ; mais il ne voulait pas attendre jusque-là pour lui procurer de pénibles émotions. Il avait plus que personne le talent de tenir son monde sur le gril.

Il y avait toujours à la Figuière un favori ou une favorite. Depuis quelque temps déjà, c’était Mme Huguette Lejail qui occupait la première place dans les bonnes grâces du maître ; il ne fallait plus songer à soutenir la concurrence ; elle triomphait, elle régnait, elle trônait. Elle n’avait que la peine de désirer, tout

(1) Voir la Revue des 15 août, ler et 15 septembre, ler octobre.