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Les instrumens à cordes, lyres et cithares, n’étaient que des harpes de dimensions restreintes, variant de la septième à la onzième, n’ayant jamais en tout cas dépassé les limites d’une double octave. L’archet était inconnu : lyres et cithares vibraient soit au moyen d’un crochet en os, en métal ou en bois, le plectre, soit directement sous l’action du doigt. Les instrumens à vent, αὐλοί, se rapprochaient de la flûte à bec, du hautbois, voire même de nos clarinettes, les uns à embouchure simple, les autres à anches. Seuls ces instrumens de bois figuraient au théâtre grec : en étaient rigoureusement exclus les instrumens à percussion, lesquels ne servaient guère qu’à seconder des rythmes de danses, certains jours de fêtes plus ou moins licencieuses, celles du culte de Cybèle par exemple. Quant aux instrumens de métal, trompettes droites et cors recourbés, on ne les utilisait en Grèce que dans certains actes et cérémonies de la vie publique et religieuse : appels de guerre, proclamations de hérauts, sacrifices, funérailles.

Les αὐλοί destinés à se faire entendre sur la scène étaient d’une espèce particulière et portaient un nom spécial : chalumeaux tragiques. L’αὐλός marchait ordinairement en avant du chœur auquel il donnait le ton dans une courte ritournelle : telle l’antienne avant le psaume dans le chant de l’Église latine.

A mesure que le rôle de la musique devient plus important au théâtre, ses moyens linguistiques d’expression se perfectionnent. Les sept tons diatoniques de l’époque primitive ne lui suffisent plus, — ces sept tons que le moyen âge nous a approximativement conservés dans son plain-chant. — Le chromatisme apparaît, d’abord avec les treize modes aristoxéniens, ensuite avec les quinze tons néo-aristoxéniens. « Combien Philoxène l’emporte sur tous les compositeurs, et que ses cantilènes sont admirablement variées par les modulations, par les passages chromatiques !... » (Athénée, 4-XIV.)

Mais si la langue s’enrichit, les moyens matériels, les ressources instrumentales de l’orchestre ne s’accroissent nullement. « Un phénomène caractéristique de l’histoire musicale, dit M. Gevaert, c’est la lenteur avec laquelle se développe l’étendue des lyres et des cithares, et la vive résistance que l’esprit conservateur des Grecs européens opposa toujours au perfectionnement des instrumens nationaux. Longtemps on se contenta de sept ou huit cordes, et ce nombre ne fut dépassé qu’à une époque où la décadence de l’art classique se faisait déjà sentir. » Chose très étonnante quand on songe que, depuis une date fort reculée, la plupart des instrumens asiatiques, infiniment plus étendus et plus riches, avaient pénétré en Grèce et y étaient cultivés avec succès. Mais ceux-ci semblent avoir été toujours exclus des compositions destinées aux exécutions publiques. Ils servaient dans les fêtes privées : on en usait, par exemple, pour accompagner les