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L’EMPEREUR GUILLAUME II
ET SA MANIERE
D’ENTENDRE LE GOUVERNEMENT PERSONNEL

On a beaucoup parlé, à Berlin et ailleurs, du baron de Hammerstein, de ses malversations et de sa fuite ; on ne voit pas pourtant que cet incident puisse avoir des conséquences politiques. Sans doute ce fut une joie pour les libéraux prussiens de toute nuance de découvrir qu’un des membres les plus influens du parti conservateur, l’homme de grande autorité qui dirigea longtemps la Gazette de la Croix, et qui, se posant en champion zélé du trône et de l’autel, fulminait sans cesse contre les corruptions du siècle, était un viveur sans scrupule, qu’on l’accusait d’avoir commis des faux en écriture accompagnés d’escroquerie et d’abus de confiance. Après tout, ce sont là des mésaventures assez communes dans l’histoire des partis. Ils ont tous leurs brebis galeuses, il n’en est pas un qui n’ait de temps à autre des exclusions à prononcer et des lessives à faire. On tâche de les couler en famille ; mais aujourd’hui tout s’ébruite, et jamais le linge sale n’a été plus difficile à cacher.

Quand le journal socialiste le Vorwärts eut publié la lettre qu’en 1888, au lendemain de l’avènement de Guillaume II, M. Stœcker adressait à son ami le baron de Hammerstein, et dans laquelle il s’expliquait savamment sur la conduite que devait tenir le parti conservateur pour s’emparer de la confiance du jeune souverain et le brouiller avec M. de Bismarck, les libéraux se flattèrent que cette publication discréditerait à jamais l’ex-prédicateur de cour. Mais les hommes d’église se tirent toujours des mauvais pas. En vain pressait-on les conservateurs de rompre avec M. Stœcker, comme s’il eût été complice des faux du baron : le comité du parti a déclaré que sa lettre ne l’avait