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que nous la connaissons, forme la règle. Des lois spéciales ont commencé l’organisation du régime hypothécaire et rendu publiques les transmissions immobilières. En 1880 un nouveau code pénal a été promulgué. Ce code, préparé par les soins d’un savant professeur de la Faculté de Paris, s’inspire de la loi française, dont il corrige les imperfections. Depuis le 1er janvier 1881 il est appliqué par les tribunaux, et jamais cette application n’a donné lieu à d’autres difficultés que les controverses juridiques que soulèvent toutes les lois.

La féodalité territoriale semblait, il y a quarante ans, inébranlable, avec, à sa tête, un chef plus absolu que le tsar. Depuis 1868, le gouvernement s’est efforcé de préparer l’application du régime nouveau par un ensemble de mesures mieux graduées qu’on ne le croit en général. Successivement on l’a vu créer, pour discuter les lois, un Sénat et un Conseil d’Etat analogues à ceux que créait en France la constitution de l’an VIII, puis des conseils généraux pour administrer les affaires locales. Chaque année, les ministres appelaient près d’eux les chefs des services provinciaux (préfets, présidens de tribunaux et de cours, etc.) pour étudier les besoins des populations et rédiger les ordonnances de réformation. En 1889, enfin, l’empereur a octroyé une constitution au pays et convoqué un Parlement. Cette constitution, assez analogue à notre charte de 1814, n’a rien de très caractéristique. Le pouvoir législatif y est confié à deux Chambres : une Chambre haute, composée des princes du sang, des délégués de la noblesse et de membres nommés par l’empereur; une Chambre basse, formée par les députés élus au suffrage direct restreint. L’empereur se réserve : 1° la sanction des lois ; 2° le droit d’émettre des décrets complémentaires ; 3" la proclamation de l’état de siège, avec des pouvoirs extraordinaires, au cas de péril public ; 4° le privilège de déclarer la guerre et le commandement des troupes de terre et de mer. Il reconnaît à ses sujets la liberté de conscience, de circulation et de pétition, avec le droit de ne payer d’impôts que ceux votés par les Chambres.

Quand le Parlement se réunit pour la première fois en novembre 1890, le gouvernement choisit pour président de la Chambre des pairs un ex-premier ministre qui avait présidé aux réformes, pour leader de la Chambre des députés un des chefs de l’opposition constitutionnelle. Depuis lors, le Parlement ou plutôt la Chambre des députés et le pouvoir exécutif ont fait assez mauvais ménage. Les novateurs se sont donné carrière, comme on pouvait s’y attendre : le gouvernement a résisté. Le dissentiment