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par leur réaction sur l’oxygène atmosphérique, sont la véritable source de la force développée par la machine à vapeur.

En principe, cette force introduite dans une livre d’eau pourrait être regardée comme susceptible d’un accroissement indéfini ; mais en pratique elle est fort limitée, ne présentant dans nos machines à haute pression qu’un travail utilisable, équivalant au maximum à six unités de chaleur environ, et qui opère avec développement d’une pression de huit atmosphères.

La force emmagasinée dans la poudre à canon et dans les matières explosives est d’une autre nature et d’une intensité plus grande. Observons d’abord que leur énergie réside toute en elles-mêmes. Dans la plupart des cas, elle est développée par une combustion interne ; les comburans et les combustibles se trouvant associés dans un même mélange, comme la poudre noire, ou mieux, dans une même combinaison, comme la nitroglycérine, ou la poudre-coton. Cette énergie n’est pas d’ailleurs illimitée, ou sans limite connue, ainsi que le supposent trop souvent des inventeurs ignorans. Les limites de la force des matières explosives sont données par une théorie certaine et faciles à calculer : il suffit de connaître la nature chimique des réactions produites par l’explosion, le volume des gaz et la quantité de chaleur qu’elles développent.

Pour la poudre à canon, cette énergie totale est 5 fois aussi grande que celle qui est emmagasinée dans l’eau liquide, portée de 100 à 170° au sein d’une chaudière. Pour la nitroglycérine, elle est 11 fois aussi grande. La portion même de cette énergie utilisable dans les armes à feu est bien plus considérable que celle fournie par l’eau de nos machines. D’après les données de MM. Sebert et Hugoniot, elle répondrait, pour une livre de poudre noire, à 160 unités de chaleur; c’est-à-dire qu’elle serait 25 fois plus considérable que celle de l’eau enfermée dans nos machines. En outre, elle développe une pression de 2 400 atmosphères dans les canons, c’est-à-dire 300 fois plus grande.

Sans entrer dans plus de détails sur ce sujet, qui nous mènerait trop loin, on voit quelle était la grandeur des illusions de Papin, nées de l’ignorance où l’on était alors sur le véritable rôle de la chaleur, sur les lois de la détente et surtout sur la nature de la combustion. Elles n’enlèvent rien d’ailleurs à l’importance des découvertes de Papin.

Il avait bien vu que ce qu’il n’avait pas réussi à réaliser avec la poudre, il allait le faire avec la vapeur d’eau. Les expériences exécutées avec son digesteur lui avaient à la fois appris la puissance réelle de cet agent et les moyens à employer pour le mettre en œuvre, pour le diriger, et même pour se mettre en garde