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de la poudre à canon. Celle-ci, enflammée à l’aide d’une « mèche d’Allemagne » (cordeau), de longueur suffisante, chassait par son explosion l’air contenu sous le piston et qui sortait par une soupape. Puis le piston, en s’abaissant, soulevait un poids : dans une expérience de Huygens, ce poids s’éleva à 1 200 livres environ. Quoi qu’il en soit du principe, cet appareil fonctionna mal, surtout quand il s’agit d’en renouveler les effets. Il fallait régler le poids de la poudre, sous peine de déterminer l’explosion du corps de pompe ; l’inflammation même était périlleuse pour la personne chargée d’introduire périodiquement la cartouche. La soupape ne se fermait pas à temps, de façon à laisser sortir tout l’air au moment de l’inflammation, et sans qu’il en rentrât aussitôt après. La poudre même, ce qu’on ne savait pas bien alors, développe des gaz. Bref, après des expériences réitérées à Marbourg et à Londres, le procédé fut abandonné. Il n’a été repris que de notre temps, au moyen, non de la poudre, mais des machines à gaz, qui permettent de mieux régler l’inflammation, la dilatation et la détente : ces machines n’ont réussi qu’après la découverte d’une série de lois physiques et chimiques, ignorées au XVIIe siècle.

C’est alors que Papin conçut son idée géniale, celle de l’emploi de la vapeur d’eau pour soulever le piston. Il n’y vit d’abord que la production du vide ; mais il ne tarda pas à apercevoir le rôle principal de la vapeur. En effet, il écrit à Leibnitz : « Outre la succion dont je me servais, j’emploie la force de la pression que l’eau exerce sur les corps, en se dilatant par sa vaporisation. »

Dans son enthousiasme sur la puissance nouvelle qu’il entrevoit, il s’écrie : « Une livre d’eau a plus de puissance qu’une livre de poudre à canon, »

Cette phrase exprimait ses espérances et ses illusions. Il convient de nous y arrêter un moment, pour montrer combien peu Papin soupçonnait l’origine première des forces qu’il cherchait à mettre en jeu; ses idées théoriques ne s’élevaient pas au-dessus d’un certain niveau, et les temps d’ailleurs n’étaient pas venus. Il y a fallu toutes les découvertes de la chimie et de la thermodynamique.

Parlons d’abord de la livre d’eau. En soi, prise à la tempéra- ture ordinaire, elle ne fournira pas d’autre force que celle qui résulte de son poids. Pour lui en communiquer d’autres, il faut l’échauffer, c’est-à-dire y introduire une énergie étrangère, celle de la chaleur. Celle-ci résulte le plus ordinairement des énergies chimiques, tirées de la combustion, c’est-à-dire de la combinaison de l’oxygène de l’air avec le carbone et l’hydrogène des combustibles. Ce sont ces derniers, dont Papin parle à peine, qui,