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être compris de ses contemporains : on se rendra mieux compte ainsi des circonstances et des fautes qui ont troublé sa vie et amené ses malheurs. Puis je rapporterai brièvement sa biographie et je terminerai en m’attachant à la suite des idées et des travaux qui l’ont conduit à trouver la machine à vapeur.


I. — LES INVENTIONS

Le nom de Papin, sans être celui d’un génie supérieur, tel que Galilée, Newton, Lavoisier, ou même Cavendish, Ampère ou Laplace, mérite cependant de rester dans la mémoire des hommes, en raison de sa valeur propre et du temps où il a accompli ses travaux. Le XVIIe siècle est l’une des époques critiques de l’humanité moderne : c’est le moment où les sciences commencent à apercevoir les lois générales de la physique et de la mécanique, celui où elles s’essaient à sortir des laboratoires pour mettre ces lois en œuvre, dans la pratique des diverses industries; préludant ainsi au vaste développement des applications des théories scientifiques auquel nous assistons aujourd’hui, ainsi qu’à la puissance et au bien-être chaque jour croissans qui en résultent pour les races européennes. Il est intéressant d’en examiner les commencemens. À ce point de vue, les expériences et les imaginations mêmes de Papin, le jugement qu’en ont porté ses contemporains, enfin ses relations personnelles avec quelques-uns des plus distingués d’entre eux, tels que Boyle, Huygens et Leibnitz, sont très dignes de notre attention.

Disons d’abord que la caractéristique de Papin n’est pas celle d’un savant pur : il n’a découvert aucun principe général en physique, ou en mathématiques; ses idées même n’y sont pas toujours justes, et il a soutenu contre Leibnitz, sur la question des forces vives, une controverse où il n’a pas témoigné une reconnaissance suffisante de l’infériorité de son génie, comparé à celui de son adversaire. Cependant, je le répète, on ne saurait lui contester le mérite d’avoir développé avec opiniâtreté tout un ensemble d’idées et de tentatives, qui ont servi de base à la découverte des machines à vapeur. Papin est en réalité un inventeur demi-scientifique, demi-industriel, fécond en propositions de tout ordre, les unes neuves et ingénieuses, les autres médiocres ou banales, quelques-unes chimériques.

Afin de mettre le talent d’expérimentateur de Papin dans tout son jour et d’en bien montrer la valeur positive, nous parlerons d’abord de l’une de ses premières inventions, celle du digesteur, ou marmite autoclave, qui porte son nom et qui l’a conservé jusqu’à notre temps, où il est encore en usage. C’est l’appareil