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politiques sans portée, des hermaphrodites, d’indignes roués sans patriotisme; gens d’esprit, peut-être, et encore ! Pour Bugeaud l’esprit n’est rien sans justesse et sans profondeur ; il ne le sépare point de l’art de bien faire, et prise peu les hommes qui ne sont que des hommes de mots, car dans sa pensée un homme d’esprit est un homme « capable de gouvernement, d’industrie ou de commerce. » J’imagine qu’il leur appliquerait volontiers le mot du moraliste : les abus les plus crians sont ceux dont on ne profite pas ; — et en tout cas, il trouve fort mauvais qu’on soit à la fois fonctionnaire et de l’opposition, dans la garnison de la place et dans l’armée assiégeante.

« Ne nous effrayons pas trop du tiers-parti : il est peu nombreux, et il n’a pas un ministère à former qui puisse durer un mois. Il est composé de quelques hommes à préventions contre certains ministres, et à préjugés quant aux principes politiques. Joignez-y une demi-douzaine d’ambitieux, dont deux seulement ont du mérite : Dupin pour la parole, Passy pour les affaires, et voilà le tiers-parti (20 avril 1834). » Lorsqu’un ministère de tiers-parti s’ébauche en 1835, pour ne durer que ce que durent les roses, pas même une semaine, Bugeaud, furieux, s’empresse d’accommoder à sa façon les coryphées du parti-eunuque...


Eh bien ! qu’en dites-vous? N’avons-nous pas un propre ministère? C’est donc désormais par la mollesse, l’indécision, l’amour d’une vaine popularité, les dénigremens de salon sur les hommes dont on est envieux, qu’on peut arriver à gouverner la France ! Un Teste! un Passy! un Charles Dupin! Teste est un homme sans énergie, qui n’a pas osé voter ouvertement avec nous dans les grandes circonstances, et qui demanda que la loi des associations ne fût que temporaire. En un mot, c’est un être amphibie. Il n’y a de positif chez lui que l’ambition de faire une fortune qu’il n’a pas. Passy est plus honorable, mais il n’a pris la parole que pour éplucher les budgets, jamais pour défendre la société et le trône constitutionnel. Charles Dupin s’est mieux conduit à la Chambre; je ne lui reproche que ses intrigues, ses dénigremens ambitieux et l’ennui qu’il nous a donné à la tribune...


Tout est bien qui finit bien, et Bugeaud se réjouit grandement du résultat : le ministère était allégé du maréchal Gérard, démissionnaire parce qu’on lui refusait l’amnistie. L’amnistie! encore une folie aux yeux du général!


Est-ce que, s’exclame-t-il, le crime politique n’est pas plus énorme, plus odieux cent fois que le crime de droit commun? Est-ce que l’assassin qui plonge une nation dans l’anarchie, la guerre civile et la guerre étrangère, est moins coupable que celui qui tue une seule personne, que la fille qui fait périr son enfant pour sauver son honneur?


Jugemens sommaires qui attestent une fois de plus les déraisons