graphie du haut fleuve, et, ne fût-ce qu’à ce titre, il n’aura pas été inutile. Pourtant il ne semble pas que le gouvernement anglais soit encore arrivé, sur ce point, à des conceptions tout à fait précises. Interrogé par lord Lamington, lord Salisbury, dans la séance du 30 août, a répondu à peu près en ces termes : « Il serait dangereux de prendre un engagement quelconque au sujet de la politique future de l’Angleterre en ce qui concerne un pays aussi peu connu que Xieng-Keng. Xieng-Keng est un État tributaire de la Birmanie, et, comme tel, appartient à la couronne britannique ; mais il existe à son sujet, avec le gouvernement français, de même qu’au sujet de diverses localités de cette région, une diversité d’opinions. Des négociations se poursuivent : nous les avons abordées avec l’esprit le plus amical, et je n’ai aucun doute que nous n’arrivions à un résultat satisfaisant pour les deux parties. » On le voit, des incertitudes subsistent dans l’esprit du ministère anglais ; mais lord Salisbury fait acte de loyauté en l’avouant et on ne peut que rendre justice au ton conciliant et véritablement amical, — c’est le mot dont il s’est servi, — avec lequel il a parlé de ses hésitations.
Autant que nous ayons pu nous en rendre compte, nous-même, la confusion qui pèse sur cette affaire, et dont lord Salisbury ne s’est peut-être pas encore tout à fait dégagé, vient de ce qu’on comprend à tort, sous l’expression générale de Xieng-Keng, deux choses très différentes, à savoir le Xieng-Keng proprement dit et le Muong-Sing. Le premier est situé sur la rive droite du Mékong et le second sur la rive gauche, d’où les journaux anglais concluent volontiers que la principauté en question est à cheval sur le fleuve. Soit, nous reconnaissons à notre tour que le même chef, prince, roi, ou de tel autre nom qu’on voudra l’appeler, gouverne le Xieng-Keng et le Muong-Sing, mais il le fait à des titres parfaitement distincts. Un de ses prédécesseurs, — il nous serait difficile de préciser les dates, et, d’ailleurs, cela importe peu, — a passé le Mékong et s’est fixé à Muong-Sing, capitale d’un groupe de cantons qui porte le nom de cette localité. Comme souverain du Xieng-Keng, il était tributaire de la Birmanie et, par conséquent, il relève aujourd’hui de la couronne britannique ; mais comme souverain du Muong-Sing, il relève de la principauté de Nan, qui est incontestablement siamoise. Il n’a pas pris le Muong-Sing de vive force et ne s’en est pas emparé par droit de conquête : pour s’y établir, il a demandé formellement et obtenu l’autorisation de Nan, c’est-à-dire du Siam, et c’est là un fait dont nous ne serions pas embarrassés de fournir des preuves irréfutables. Dans cette situation amphibie, le roi de Xieng-Keng et de Muong-Sing a payé tribut à la Birmanie et au Siam. Or qui dit Birmanie dit Angleterre ; mais qui dit Siam, du moins en ce qui concerne la rive gauche du Mékong, dit France. Nous serions