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contester au Trésor public la légitimité des prétentions qu’il voudrait émettre ? C’est bien le moins que, dans une large mesure, il soit appelé à prendre sa part dans les richesses d’un sol, dont la conquête lui a coûté tant de sacrifices.

C’est donc à un triple point de vue que la découverte des phosphates algériens apparaît riche d’espérances et de promesses. Mais il faut ajouter aussi que la réalisation de ces promesses et de ces espérances dépend, pour une très large part, des mesures que sauront prendre les pouvoirs publics, en vue de donner à l’exploitation qui commence la direction et les règles les plus propres à la favoriser.

Qu’a-t-on fait jusqu’ici dans cette intention ? Que se propose-t-on de faire ?

Telle est la double question qu’il me reste à examiner.


II

C’est au cours de l’année 1885, à Gafsa, en Tunisie, que, pour la première fois, M. Thomas signala de remarquables couches de phosphate de chaux. La découverte fit même, je crois, l’objet d’une communication à l’Académie des Sciences. Mais ce n’est point le retentissement qu’eurent la découverte et les communications de M. Thomas, qui devait faire naître la question des phosphates algériens. Bien qu’il eût insisté sur l’importance et la richesse des gisemens qu’il avait relevés, bien qu’il eût indiqué que ces gisemens devaient se continuer en Algérie, il ne sembla pas que, dès lors, on se soit douté de l’immense portée de sa découverte et qu’on ait songé à l’utiliser au point de vue industriel ou agricole. Il y eut bien, en 1888, aux environs de Tebessa, une tentative d’exploitation industrielle. Un M. Veckerley obtint de la commune mixte de Morsott la concession[1] d’un gisement de phosphate, et en commença l’exploitation. Cette tentative ne fut pas heureuse : le gîte avait été mal choisi : la teneur des phosphates n’était pas assez élevée pour que l’exploitation pût en être continuée avec profit : elle fut vite abandonnée.

Ce n’est que deux ou trois ans plus tard que la question des phosphates algériens devait se poser comme elle se pose aujourd’hui.

Il n’est pas sans intérêt d’indiquer, avec quelques détails, comment elle est entrée dans le domaine des faits qu’on ne discute plus. Elle le doit, en effet, à un étonnement analogue à celui que j’avais éprouvé moi-même aux environs de Boghari.

Mais, cette fois, les connaissances techniques de celui qui l’éprouvait lui permettaient d’expliquer et de conclure.

  1. Je parle ici de concessions pour employer le terme généralement usité. Juridiquement il est inexact et il faudrait parler d’amodiation.