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phosphate, dont on peut, dès maintenant, présumer, avec quelque certitude, l’importance et l’étendue. Il y aurait là 300 à 400 millions de tonnes de dépôts phosphatés, se présentant dans des conditions qui en permettent l’exploitation industrielle. Les matériaux d’extraction contiennent, en effet, jusqu’à 78 p. 100 de phosphate de chaux, teneur bien supérieure à celle des gisemens qu’on a exploités en France, et comparable à celle des plus riches sables de la Floride. Or, si l’on songe à la valeur commerciale du phosphate de chaux, dont les cours actuels dépassent 40 francs la tonne, on est évidemment ébloui par la fantasmagorie des chiffres, quand il s’agit d’évaluer la somme totale des richesses enfouies dans le sol algérien.

Voilà les trésors dont l’utilisation naturelle permettait, après quinze siècles d’une culture ignorante et barbare, de retrouver parfois, dans les champs de l’antique Numidie, cette merveilleuse aptitude à la production des céréales qui, jadis, les avait fait considérer comme les greniers de Rome. Il suffisait de pluies appropriées pour que, dans certaines régions, l’action fertilisante de ses phosphates donnât au sol algérien tout ce qui lui aurait manqué, s’il avait dû le tenir de la sollicitude de ses habitans.

Évidemment, de semblables ressources méritaient mieux que cette utilisation naturelle. Elles sont aujourd’hui connues et, bien qu’elle n’en soit qu’à ses débuts, leur exploitation ouvre à l’Algérie un avenir dont il est difficile de contester les promesses et les espérances. Il me paraît, certes, de nature à calmer les inquiétudes et les appréhensions de tous ceux que préoccupait la crise si grave, traversée en ce moment par la colonisation algérienne. Dans une série d’articles publiés, l’an dernier, par un grand journal parisien, sous cette rubrique : Le mal de l’Algérie, un écrivain de talent avait su dépeindre cette crise avec une réalité trop saisissante pour ne point légitimer toutes les craintes. C’étaient les colons ramenés, par les déceptions de leurs entreprises viticoles, à la base de toute agriculture : l’élevage du bétail et la culture des céréales. Et dans quelles conditions ? Dans des conditions d’insuccès presque notoire. Aujourd’hui, et c’est là une vérité acquise, la culture des céréales ne peut être rémunératrice qu’à la condition d’être intensive, ce qui implique un judicieux emploi des fumures. Or, comment, en Algérie, se procurer ces fumures indispensables sans une augmentation notable du bétail algérien, et comment réaliser cette augmentation nécessaire dans un pays où la subsistance et, partant, la conservation du bétail se posent, chaque été, comme un problème inquiétant ?

Cet avenir assez sombre est éclairci désormais par la découverte des phosphates algériens ! Il est, en effet, inadmissible qu’on ne se préoccupe point de faciliter à tous ceux qui cultivent le sol algérien