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de blanc et de noir que l’on applaudit dans nos cirques. Ce sont les mêmes sauts périlleux, les mêmes culbutes, la même pyramide humaine, etc. T. Ramakrichna rappelle un curieux passage des mémoires attribués au Grand-Mogol, Gengis-Khan. « Un des sept hommes qui étaient devant, dit l’empereur, se tint debout ; un second s’élança et posa sa tête sur celle du premier ; sur les pieds du second, placés en l’air, un troisième s’établit qui en reçut un quatrième sur la tête ; le cinquième se mit debout sur les pieds, placés en l’air, du quatrième, et ainsi de suite jusqu’au septième. Et ce qui fit pousser un cri de surprise aux spectateurs, ce fut de voir le premier lever l’un de ses pieds à la hauteur de son épaule et demeurer droit sur une seule jambe, montrant dans sa pose immobile une adresse et une force qui dépassaient mon intelligence. » Les clowns de nos jours ne font pas autrement ni mieux. Quelques-uns des tours exécutés devant les gens de Mangalam avaient pourtant une saveur locale. Ainsi de la noix de coco qui, lancée à une grande hauteur, vient se briser en deux sur le crâne d’un jeune homme, et de l’aiguille qu’une femme ramasse à terre avec sa paupière. Ainsi encore de la malle indienne. On peut juger de l’étonnement du bon peuple de Mangalam qui avait vu le tambarava ficeler sa compagne et la mettre dans un panier qui se trouva vide quand on l’ouvrit, quelques instans après. L’escamoteur feignit d’être inquiet un instant de la disparition de sa femme ; il l’appelait de tous les côtés et sur tous les tons. Elle lui répondait enfin et se montrait à l’angle d’une maison voisine, au grand ébahissement des spectateurs.

Il y avait aussi le tour du manguier. Un officier de cipayes de mes amis obtint d’un tambarava, après l’avoir grisé abominablement, le secret de ce tour qui consiste à faire pousser un manguier sur le sol en quelques instans. Le jongleur prend une poignée de sable au milieu de laquelle il place le noyau d’une mangue et qu’il recouvre d’un lambeau d’étoile. Tout en faisant des simagrées comiques, il manipule le tout et, le linge enlevé, on voit surgir du sable une petite branche d’arbre. Les manipulations reprennent de plus belle et la branche s’élève. Elle atteint cinquante à soixante centimètres quand un fruit vert s’y montre… La branche et le fruit étaient habilement dissimulés dans le langouti qui sert de ceinture au tambarava et lui tient lieu de tout vêtement. Et elle n’était pas plus vraie pour lui que pour nos escamoteurs ordinaires en habit noir, la formule classique et trompeuse : « Rien dans les mains, rien dans les poches ! »

Cela n’empêche que, pendant de longs mois, les habitans de Mangalam s’entretenaient encore des choses merveilleuses qu’ils avaient vu faire aux tambaravas. Ceux-ci avaient emporté du