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conducteurs spirituels, l’élite intellectuelle et morale de la race, s’élèvent vers les plus hautes régions philosophiques et vont se perdre dans les abstractions. Et l’on peut voir, dans leurs livres, un mouvement des idées, un effort incessant et soutenu vers cette connaissance de soi-même et de la divinité qui est le but suprême de la philosophie ; on peut suivre enfin leurs aspirations à la fois confuses et certaines vers la réalisation de la théorie de l’individualité morale et mentale la plus pure.

Des brahmes instruits, passionnés pour les conceptions métaphysiques, se sont affiliés aux sociétés théosophiques qui dans l’Inde, comme en Amérique et en Angleterre, ont groupé les intelligences affamées de surnaturel, et ils s’y sont rencontrés avec la secte ennemie des bonzes, avec les bouddhistes dont la florissante hérésie fait une si grande place à la méditation et à la contemplation dans la vie religieuse. Ils ne se sont pas attardés à discerner ce qu’il peut se mêler d’erreur systématique et de charlatanisme dans l’entreprise du colonel Olcott et de Mme Blavatsky, et quand Mme Besant, l’ancienne amie de M. Bradlaugh, est devenue la Mahatma, la Mère et l’Ame du nouvel ordre spirituel, cela les a laissés indifférons. Une seule chose leur importait, la poursuite de l’union avec l’homogène, de la constante et invariablement indivisible conscience de l’unité avec Brahma.

Le brahme est né deux fois. Vers l’âge de sept ou de neuf ans, il a reçu l’investiture de sa caste avec le cordon sacré. Avant cette initiation, il était l’égal des Coudras ; elle lui confère définitivement la suprématie sur les castes inférieures et le régénère, au sens absolu du mot. « La première naissance du brahme a lieu dans le sein de sa mère ; la seconde lorsqu’il reçoit le cordon sacré, » ainsi s’exprime Manou. Formé de trois brins de coton, le lacet sacré, le Yanapavita, se porte de gauche à droite ; les trois brins représentent Brahma, Vichnou et Çiva ; après le mariage, ils sont doublés ou triplés.

Le jeune garçon reçoit le cordon après avoir fait une offrande au feu et récité l’hymne au soleil :

« O radieux et brillant soleil, nous t’adressons un nouvel hymne de louange ! Daigne l’écouter ! Comme un homme amoureux s’empresse vers une femme, emplis mon âme avide ! Le soleil, universel spectateur, soit notre protecteur !

« Om ! Terre ! Air ! Ciel ! Om ! méditons sur la splendeur suprême du divin soleil ; qu’elle illumine notre pensée ! nous avons faim et nous implorons les bienfaits du soleil éblouissant. Les rites et les hymnes des brahmes intelligens honorent le soleil resplendissant ! »

C’est la seconde partie de cet hymne, un des plus anciens des