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religieux de la place du Peuple en leur imposant, toutefois, certaines obligations. Se souvenant qu’il était protecteur des Dominicains, alors comme aujourd’hui desservans de Santa-Maria sopra Minerva, il leur laissa une rente de cinquante ducats. Les Augustins furent chargés de verser chaque année le montant de ce legs entre les mains des moines de la Minerva. Ils devaient, en outre, dire quatre messes par semaine pour le repos de l’âme du donateur et célébrer tous les ans le jour anniversaire de sa mort. Les clauses de ce testament furent ponctuellement exécutées. Les précieuses archives que conserve au palais de la Cancelleria la congrégation de la Visite apostolique en font foi. Lorsque le pape Alexandre VI eut autorisé les Pères Augustins à vendre le palais en question, non seulement ils durent solliciter le consentement des Dominicains de la Minerva, mais opérer le remploi du prix de la vente en achetant d’un certain Giovan Battista di Monteleone une maison sise via Paolina, dans le quartier del Ponte.

Le cardinal Ferriz était mort le 25 septembre 1478. Son palais ne fut acheté par Alexandre Farnèse que dix-sept ans plus tard. Il y aurait un vif intérêt à pouvoir se représenter autrement que par l’imagination cette antique demeure qui devait, singulière destinée ! rester pendant plus d’un siècle et demi la résidence exclusive de princes de l’Eglise. Par malheur, les chroniques du temps sont muettes à son égard et, jusqu’à présent, les grandes collections italiennes n’ont fourni aucun dessin original, aucun plan d’architecte de nature à satisfaire notre curiosité. Bon gré mal gré, il faut se contenter de la prose de maître de Filippi et de l’état des lieux tel qu’il est conservé dans la copie incomplète des archives farnésiennes.

C’est dans ce palais qu’Alexandre Farnèse vint abriter sa fortune naissante. Il est peu probable que ce vieil immeuble répondit de tout point aux goûts d’un jeune homme qui avait pris à la cour des Médicis les habitudes du luxe le plus raffiné. Mais s’il dut s’ingénier à rendre son intérieur plus confortable, il n’eut guère le loisir de procéder à une transformation radicale. Ses relations avec les Borgia, quelque intimes qu’elles fussent, reposaient sur une base fragile. Les faveurs avaient d’abord succédé aux faveurs. Après le chapeau rouge, Farnèse avait obtenu la légation de Viterbe qui lui conférait une autorité considérable sur la région où étaient situés les domaines de sa famille. Mais, un peu plus tard, le cardinal eut l’imprudence d’appeler Giulia au lit mortuaire de leur plus jeune frère Angelo sans consulter le pontife. Giulia prit les fièvres, et, pour comble de malheur, elle tomba entre les mains d’une compagnie de Français de