ou Marseille, le portefeuille en cours et le mouvement régulier de contrats nouveaux dont il est l’occasion procurent des situations avantageuses, des 20 et 30 000 francs de recettes aux représentans des principales sociétés. Là-dessus ces personnages privilégiés ont à subvenir de leur poche à des frais de bureau, d’employés, de « sous-agens » dont ils sont responsables. A côté des assureurs de carrière, qui connaissent le métier et s’y consacrent exclusivement, les agens d’arrondissement sont souvent de petits propriétaires, des entrepreneurs ou des architectes, des banquiers modestes, des officiers retraités, des clercs de notaires, commis-greffiers ou voyageurs de commerce : les uns visent, dans cette besogne, le supplément de revenu qu’elle leur procure ; les autres y voient un moyen de nouer ou de maintenir des rapports utiles à leur industrie. Les compagnies, de leur côté, prennent un peu ce qu’elles trouvent : leurs agences sont tantôt disputées par plusieurs candidats, tantôt totalement dédaignées. La mission d’un courtier, qui doit faire l’éducation du public, marteler sans relâche de durs cerveaux pour y faire entrer la notion de l’assurance, et pour cela s’initier d’abord lui-même, puisqu’il est difficile de parler congrûment de ce que l’on ne comprend pas, à des questions complexes, est assez laborieuse.
Ces représentans, de nature aussi composite, sont soudés entre eux par un lien commun : les inspecteurs. La Générale en a 25, qui se partagent le territoire, menant une vie nomade, appointés chacun d’une dizaine de mille francs, dont ils laissent la moitié sur les routes, et contrôlés à leur tour par trois inspecteurs généraux. Aux inspecteurs on demande naturellement un degré supérieur d’éducation et de connaissances. Ces places, d’ailleurs très sollicitées et souvent occupées jadis par des gens incompétens, se sont remplies peu à peu d’un cadre de professionnels écrémés dans les bureaux de Paris, portant en province le rayonnement du pouvoir central, et possédant l’esprit d’entregent indispensable au succès.
Il n’y a pas en effet de méthode précise pour conclure des affaires nouvelles, exciter les nonchalans, entraîner les indécis. Il y faut beaucoup d’adresse et de tact. On ne saurait tenir à chacun le même langage : tout dépend de la corde sensible du client, que l’on doit deviner d’abord pour la faire vibrer ensuite. A celui qui songe à sa famille l’assureur conseillera une « vie entière » ; il suggérera une « mixte » à l’égoïste qui songe surtout à lui-même. Il est souvent utile de faire agir des intermédiaires, de les stimuler par un intérêt modique, de risquer à propos de petits cadeaux à la femme, aux enfans de son futur contractant. Cette institution très belle, très noble, de l’assurance ne peut s’implanter, étendre