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actions. L’offre peut avilir ce cours au-dessous de la valeur réelle : alors les assureurs perdent de l’argent et finalement plusieurs succombent. Des réactions se produisent ; les assureurs deviennent plus exigeans, parfois se coalisent : les cours se relèvent, peut-être jusqu’à l’exagération, à moins que de nouveaux venus ne les attaquent encore. Il en est de même dans tous les commerces, et c’est la liberté de l’industrie. Depuis longtemps on admet que 30 pour 100 des primes suffisent à parer aux sinistres annuels et que la réserve des sinistres futurs absorbe 40 pour 100. Il reste donc un excédent de 30 pour 100 pour les frais et les bénéfices. cette proportion se retrouve assez exactement dans la prime de 267 francs que j’ai analysée, ci-dessus. Ou la constate aussi en dépouillant les comptes de nos compagnies françaises.

Au premier abord, ce gain de 30 pour 100 paraît énorme, mais il n’est qu’apparent. Et d’abord les assureurs s’engagent à le partager avec les assurés, après déduction des dépenses qu’exige le fonctionnement de l’entreprise. Comme ils estiment qu’en aucun cas ces dépenses ne pourront monter à plus du dixième des primes, que par suite il restera 20 pour 100 nets au moins à diviser entre les actionnaires et les cliens de la compagnie, ils offrent de réduire d’avance de 10 pour 100 le coût de l’assurance pour ceux qui préfèrent renoncer à toute participation aux bénéfices. En fait les compagnies, les grandes surtout, ont donné plus qu’elles ne promettaient. Elles prennent à leur compte la totalité des frais généraux, bien que ces frais dépassent le plus souvent la proportion indiquée.

Cette double charge aurait eu pour effet de réduire à pou de chose le dividende des actionnaires si, à côté du bénéfice industriel, de celui qui résulte proprement des opérations d’assurances, ils n’avaient profité d’un bénéfice financier, tiré du placement de leurs réserves, qui leur donnent annuellement un intérêt supérieur à celui qu’exige la capitalisation à 4 pour 100. A la Générale, par exemple, ce bénéfice représentait 2 700 000 francs en 1893 et durant les années précédentes : depuis 1894, en raison de la conversion de la rente française 41/2, dont la compagnie possédait une forte quantité, il ne s’élève plus qu’à 1 700 000 francs. Los placemens sont donc une partie très importante du mécanisme de l’assurance ; c’est sur elle que le conseil d’administration porte plus spécialement sa surveillance. Ces conseils, où figurent comme membres et comme présidons des personnages portant pour la plupart des noms connus, quelquefois illustres, et dont plusieurs sont à la tête des grandes banques ou des indus-trios vitales du pays, n’ont pas peu contribué, par le prestige de leur situation, à acclimater une institution utile, en rendant au public la confiance que les tontines lui avaient fait perdre, Cette