douze mois : 21 seulement ont été frappés. L’écart entre les calculs et les faits s’accuse de plus en plus, à mesure que l’on opère sur un groupe plus mince : sur 385 assurés de 66 ans, 29 sont descendus dans la tombe, au lieu de 19 seulement que l’on s’attendait à perdre ; en revanche, sur 265 assurés de 72 et 74 ans, tandis que 23 étaient condamnés, on n’a vu se réaliser que pour 16 d’entre eux les pronostics des actuaires. Mais comme ces pronostics sont rigoureusement déduits d’une longue expérience, il faut bien que celle-ci se charge de les confirmer. Au bout de quelques années les bonnes et les mauvaises chances se balancent.
Puisqu’une somme de 10 000 francs peut être garantie, en cas de décès, à un homme de 30 ans, moyennant une prime de 80 francs, il paraît assez singulier, en ouvrant l’une de ces petites brochures où les sociétés d’assurances consignent le détail de leurs tarifs, d’y constater que le versement annuel exigé d’un assuré de cet âge sera, pour 10 000 francs, de 249 ou 267 francs, c’est-à-dire plus du triple. C’est que les 80 francs dont j’ai parlé correspondent bien au risque actuel, mais non au risque futur, qui va chaque année s’aggraver. Par ce seul fait qu’il vit, cet homme de 30 ans est de plus en plus exposé à mourir ; à mesure que devient plus prochaine la probabilité de son trépas, le prix, pour un capital identique, s’élève à 100 francs dès l’âge de 40 ans ; à 50 ans, il est de 154 francs ; à 60 ans, de 293 francs. Il monte, à 70 ans, jusqu’à 627 francs et correspond, à 80 ans, au chiffre énorme de 1 356 francs. Tel serait le taux de la prime « progressive » représentant le risque annuel.
Avec un pareil système, l’assurance eût été décourageante, sinon impossible. Les ressources de la plupart des assurés tendent plutôt à diminuer qu’à s’accroître ; ceux qui atteindraient à la vieillesse se verraient souvent forcés, après de longs efforts, d’abandonner leurs contrats, et, pour nôtre pas exposés à cette extrémité fâcheuse, presque aucun de ceux qui profitent aujourd’hui de cette mutualité prévoyante n’y aurait eu recours. Aussi l’universalité des compagnies ont-elles calculé une prime moyenne invariable qui correspond à ce danger variable du décès, et elles ont appliqué cette méthode à toutes les assurances souscrites pour plusieurs années.
Au moment où l’assuré signe sa police, cette prime constante excède le risque annuel ; elle s’en rapproche chaque année, l’égale un instant, puis lui devient de plus en plus inférieure. L’assuré est, dans la compagnie, comme dans une banque le client auquel est ouvert un compte, d’abord créditeur puis débiteur ; l’assureur mettant de côté, dans les premiers temps, la somme nécessaire pour compléter les primes trop faibles des temps