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triples de ceux des compagnies ordinaires. C’est le grave défaut d’un système encore bien récent. Il est nécessaire que, par des améliorations progressives, il puisse disparaître ou s’atténuer.


III

Les assurances ont pour base le calcul des probabilités, appliqué à la durée de la vie humaine, dont la connaissance est fondée elle-même sur la loi de mortalité. C’est là l’élément le plus important dans la confection d’un tarif ; c’est aussi le plus difficile à dégager. La loi de survie n’agit pas avec autant de régularité que la loi de la pesanteur ; elle varie au contraire suivant les nations, les époques, les catégories sociales. La mortalité de 1855 à 1870 n’était pas la même dans les divers pays d’Europe : on constatait annuellement 22 décès pour 1 000 vivans en Angleterre et 30 en Autriche. Des mathématiciens spéciaux appelés « actuaires », de l’anglais actuary, sont attachés aux compagnies, avec mission de corriger, contrôler et interpréter sans cesse les renseignemens des statistiques sur la longévité.

La plupart des compagnies se trouvent n’assurer que des individus âgés le plus souvent de vingt-cinq ans au moins : or les deux cinquièmes des décès ont lieu avant cet âge, et la mortalité des adultes se trouve n’atteindre que 60 pour 100 du total général. De plus, les assurés ne correspondent pas à une portion quelconque de l’humanité, d’un effectif égal au leur. Soumis à l’examen médical de la compagnie, qui ne les accueille qu’en bonne santé, ils forment un groupe de têtes choisies, dont la mortalité devrait être inférieure à la moyenne. Seulement les assurés bien portans, qui constituent les « bons risques », sont au bout de quelque temps plus disposés à abandonner leurs contrats. Ceux au contraire dont l’état est chancelant sentent mieux la valeur de l’assurance et demeurent. Il se produit ainsi peu à peu une antisélection naturelle des cliens, par opposition à la sélection médicale de la compagnie. Sur 10 000 personnes de 30 ans, il en meurt ; 53 parmi celles qui viennent de s’assurer dans l’année ; il en meurt 87 parmi celles qui sont assurées depuis cinq ans. C’est que, durant une période un peu longue, il y a deux fois plus de résiliations que de décès.

Cet ensemble de statistiques, fondées sur l’expérience, ne pouvait, lors des tâtonne mens du début, guider les compagnies naissantes. Elles ont dû s’en rapporter à des tables consciencieusement établies par leurs auteurs, mais qui, suivant les méthodes de calcul adoptées, aboutissaient à des résultats divergens. Ainsi, sur 1 000 individus nés vivans, il en restait, à l’âge de 50 ans,