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à Madagascar plus de consistance et d’étendue qu’ils n’en avaient eu jusque-là, et de changer par conséquent les situations relatives de la France et de l’Angleterre… »

D’après cet avis, si propre à éviter à l’Angleterre, traitée d’une façon quelque peu hautaine par l’ancien gouvernement, toute cause de difficultés avec le nouveau, la conduite du ministre était toute tracée, et il s’empressait, on date du 29 octobre 1830, de transmettre au gouverneur de Bourbon et au commandant de l’expédition des ordres qui d’ailleurs — comme nous l’avons vu — se trouvèrent en voie d’exécution avant d’avoir été reçus. Au commandant de l’expédition il disait :


Monsieur, une décision royale qui vous sera communiquée par M. le gouverneur de Bourbon prescrit de mettre le terme le plus prompt à l’expédition de Madagascar. Vous aurez à ramener en France les frégates la Terpsichore et la Junon, la corvette de guerre l’Héroïne et la corvette de charge l’Oise, avec les troupes qui se trouvent en excédent des garnisons habituelles de Bourbon et de Madagascar[1].


Et la dépêche adressée au gouverneur portait :


L’intention formelle du roi est que l’on fasse cesser au plus tôt les hostilités, à Madagascar et que l’on arrête des dépenses que l’État ne pourrait supporter… Dans les dispositions que vous aurez à prendre, vous ne perdrez pas de vue que, si le roi veut arrêter au plus tôt une consommation improductive d’hommes et d’argent, le vœu non moins cher de Sa Majesté est que rien ne soit négligé pour maintenir intact l’honneur du pavillon national.


Comment le gouverneur s’y prit pour maintenir cet honneur national qu’avec tant d’insistance on mettait en avant au moment même où l’on reculait devant la crainte des Ho vas et la peur des Anglais, il est difficile de l’apercevoir dans ses actes. Avant la réception de la dépêche précédente, il avait déjà pris sur lui de renvoyer en France les troupes expéditionnaires, après l’avoir reçue il ordonna l’évacuation définitive de Tintingue. C’était renoncer d’une façon bien légère à une conquête qui nous avait coûté tant de sacrifices. Ces ordres formels durent cependant s’exécuter, et, au grand désespoir des hommes qui avaient risqué leur vie pour conserver ce poste à la France, l’évacuation s’effectua en juillet 1831. « Le 4 juillet, raconte un témoin oculaire, on reçut l’ordre de tout embarquer, personnel et matériel. Il ne restait plus que les canons du front d’attaque au nombre de 8. Dans la journée du 5 on les embarqua. On détruisit aussi les clayonnages, ce qui combla les fossés par la chute des murs, formés de sable et de gazon. On coupa la majeure partie des palissades, enfin on distribua tout le monde de manière à incendier

  1. Dépêche du 29 octobre 1830 (Archives coloniales).