suivant les circonstances auxquelles il se trouvait personnellement mêlé.
Le 18 août, par mon humble intermédiaire, il faisait parvenir aux princes d’Orléans le conseil de lever un corps franc, d’en prendre le commandement, et de venir guerroyer sur les flancs de notre armée. « Il n’y a point de danger, ajoutait-il. Il n’y a plus un préfet, ni un général qui oserait les faire arrêter. » Mais le 5 septembre au matin, à la seule annonce de leur arrivée probable, M. Thiers (c’est l’expression dont mon père se sert dans son journal) fit un bond en arrière, et s’écria : « Quoi ! Ils penseraient à venir en ce moment ? Mais ce serait absurde, ce serait coupable. C’est nous jeter en plein dans la guerre civile. » Ses sentimens furent plus vifs encore lorsque, quelques mois après, l’élection de M. le prince de Joinville et celle de M. le duc d’Aumale par trois départemens français souleva de nouveau, de la façon la plus formelle, la question de l’abrogation des lois d’exil. Dans les nombreuses lettres qu’à cette époque M. le Comte de Paris adressait à mon père, il n’est guère question d’autre chose. Mon père fut en effet mêlé très activement aux négociations qui précédèrent l’abrogation de ces lois. J’y pris moi-même une certaine part, et ce fut précisément l’occasion de mes premières relations suivies avec le prince.
Mon père aurait désiré que, par une proposition dont il saisirait l’Assemblée nationale, M. Thiers prît lui-même l’initiative de rouvrir les portes de la France aux princes des deux branches île la maison de Bourbon ; non pas comme une préface à la restauration de l’une ou l’autre de ces deux branches (qui que ce soit ne lui demandait cela, et les princes d’Orléans moins que personne), mais comme une grande mesure de réparation et d’équité. Mais à mon retour de Bordeaux où j’avais passé trois semaines comme député à l’Assemblée nationale, je crus devoir avertir mon père qu’il rencontrerait au contraire chez M. Thiers une vive hostilité contre cette proposition. J’avais été en effet informé d’un incident curieux. A l’une des réceptions données par M. Thiers dans son petit salon de l’hôtel de France, un de mes collègues, fort dévoué à sa personne, mais non moins dévoué aux princes d’Orléans, exprimait, un peu naïvement, devant lui sa joie d’avoir vu deux d’entre eux envoyés à l’Assemblée nationale, et mettait en avant l’idée de poser la candidature de M. le duc de Nemours dans son propre département où une vacance allait se produire. M. Thiers, loin d’entrer dans cette idée, s’emporta contre mon malheureux collègue, et se plaignit publiquement, avec une grande amertume, des embarras que lui causaient déjà ceux qu’il appelait les prétendans. Et cependant ils ne lui en