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restait seulement à 17 000 kilos. Sans doute encore d’habiles cultivateurs, M. Boursier dans l’Oise, M. P. Genay dans Meurthe-et-Moselle, atteignaient des rendemens plus élevés ; mais en général et sur toute l’étendue de notre territoire, la production à l’hectare est faible et surtout les tubercules obtenus de médiocre valeur. Le Bulletin du Ministère de l’Agriculture nous apprend qu’en 1891 la France obtenait, sur 1 465 000 hectares, 131 millions d’hectolitres de tubercules[1] ; ce qui donne comme produit moyen à l’hectare 89 hect. 75, tandis que l’Allemagne produisait sur 2 920 000 hectares, 322 millions d’hectolitres, correspondant à 110 hectolitres à l’hectare. En outre, en France la valeur de l’hectolitre moyen est de 5 fr. 91, tandis qu’il s’élève à 7 fr. 15 en Allemagne.

Ainsi la production en France est plus faible qu’en Allemagne, les rendemens sont moindres, les prix plus bas.

A quelles causes attribuer cette infériorité ? Comment la faire cesser ? Telles sont les questions qu’il y a dix ans M. Aimé Girard résolut d’aborder.

Pourquoi tout d’abord la pomme de terre a-t-elle plus de valeur de l’autre côté du Rhin qu’en France ? C’est qu’en Allemagne elle est surtout employée comme matière première de la fabrication de l’alcool : or la partie du tubercule qui se saccharifie, puis fermente, est la fécule, et les tubercules allemands sont plus riches que les nôtres.

Comme, au début de ses recherches, M. Aimé Girard pensait surtout à développer en France la fabrication de l’alcool au moyen des tubercules de pommes de terre, il voulut obtenir d’une surface de terrain consacré à cette plante le maximum de fécule, c’est-à-dire de matière alcoolisable. Dans certaines cultures, le poids de matière végétale élaborée est seul à considérer : on ne fait pas de distinctions assez profondes dans la qualité du blé recueilli, pour qu’il n’y ait pas, presque toujours, avantage à porter tous ses efforts vers les gros rendemens ; et, bien que les beaux blés blancs se vendent de 1 franc à 1 fr. 50 de plus par quintal que les blés roux, cette différence ne peut entrer en compensation avec les excédens de rendemens de 10 à 12 quintaux par hectare que produisent ces derniers. Pour les pommes de terre destinées à la fabrication de l’alcool, il s’agit non seulement de recueillir à l’hectare un poids considérable de tubercules, mais en outre de tubercules riches en fécule et tout de suite cette nécessité orientait les recherches.

Si, en effet, à l’aide de bons procédés de culture, d’engrais

  1. L’hectolitre pèse environ 75 kilos.