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jour les grands express européens. Depuis l’achèvement du tronçon Brod-Belgrado, la ligne la plus courte de Trieste, de la Haute-Italie et même de Marseille à Constantinople traverse la Croatie. Il est vrai que, dans l’état actuel des graphiques et des horaires, il faut trente heures pour passer de Zapresic, frontière croate occidentale, à la frontière serbe. Les Hongrois, maîtres des voies ferrées, n’ont assuré le confort, la vitesse et même l’économie, qu’à celles qui ont Pesth pour tête de ligne.

C’est peut-être en matière d’instruction publique que la politique magyare a le mieux toléré le développement de la Croatie. Elle y était, du reste, intéressée. Chez les Jugo-Slaves l’enseignement libre est presque inconnu. C’est le gouvernement qui nomme les professeurs et les instituteurs. On fait concourir les plus dociles à la magyarisation du pays. Dans les campagnes, leur influence contrecarre celle du clergé. Le conflit du maître d’école et du curé existe en Croatie, un pou comme en France. Seulement la question cléricale s’y mêle à la question nationale. L’école a bien conservé un caractère semi-confessionnel, en ce sens que la prière et la récitation du catéchisme y sont prescrites. Mais le personnel enseignant, sous l’influence éloignée de la philosophie allemande, et aussi un peu, je pense, du « libéralisme » français, se détache peu à peu du dogme et de l’esprit religieux. Il devient insensiblement ce qu’il est chez nous, à l’attitude extérieure près, neutre en religion et gouvernemental en politique. Le clergé réagit contre cette double tendance : il lutte, au sens rigoureux, pour Dieu et pour la patrie. De là son autorité sur des populations traditionnalistes et pieuses, qui serait plus considérable encore, s’il ne la diminuait par ses mœurs.

L’enseignement secondaire a fait, depuis vingt ans, des progrès immenses. On trouve à Agram quantité de gymnases ou d’instituts où dominent les méthodes allemandes. Le ministre actuel de l’instruction publique, M. Krsnjavi, a une prédilection pour les lycées de filles. Leur modernisme dépasse celui des établissemens similaires en France. Dans l’un sont installés des ateliers de couture, de coupe, de montage de chapeaux : on y forme assidûment la femme pratique. Dans l’autre, on enseigne le latin. N’y cherchez point, du reste, le frou-frou de la traîne de Philaminte : ce n’est que curiosité d’apprendre et désir du mieux, avivé par l’émulation de la savante Allemagne. Au fond, du reste, une idée positive : celle de préparer la mère à contrôler l’éducation des enfans.

Agram possède une Université, inaugurée le 19 octobre 1874, sous Mazuranic. Elle se divise en trois Facultés : droit, théologie,