absorbée dans celle d’un peuple voisin, eût-il par ailleurs une constitution respectueuse de la tradition nationale, en fait ne s’appartient pas ; il est en tutelle. L’ancien groupe patriote, qui s’était tenu à l’écart des négociations, dénonça le piège. Il fut entendu. C’est la belle période de l’opposition croate qui commence, — et pour cause, — avec le fonctionnement de la constitution.
Le premier engagement fut un succès, et il est intéressant de noter qu’à une époque où la presse ne dénonçait pas communément le mélange bâtard de la politique et des affaires, c’est dans une « histoire d’argent » qu’on fit sombrer le premier ban magyaron. C’était le baron Rauch. On le sut intéressé dans une société financière, constituée en vue d’assainir les marécages de la Lunja, et qui sollicitait la garantie du gouvernement. Un modeste journal de Pétrinja, dans les Contins militaires, le prit violemment à partie, par la plume de l’avocat Mrazovic. En vertu de la législation alors en vigueur dans les Contins, ce délit de presse eut le sort original d’être déféré à une sorte de conseil de guerre. Mrazovic prouva ses dires, fut acquitté, et Rauch dut donner sa démission.
Il suffit de peu pour réconforter un parti vaincu, surtout en pays jugo-slave. Le procès fit du bruit. Justement il coïncidait avec des élections, les pouvoirs de la Diète de 1868 étant expirés. Cette fois, le parti national l’emporta. Un nouveau ban, Koloman Bedekovic, esprit honnête niais faible, cédant à la pression des Magyars, prorogea trois fois l’Assemblée. Elle se montra réfractaire et fut dissoute. Sur ce demi-coup d’Etat, une majorité patriote revint ; la nation protestait décidément contre la Nagoda, il fallait la lui appliquer de force. Le successeur d’Andrassy, Lonyay, crut on trouver le moyen.
Il fit convoquer à la Diète d’Agram tous les magnats qu’une pratique quasi féodale et tombée en désuétude autorisait à y siéger. En fait, une partie de cette noblesse avait cessé depuis longtemps d’habiter la Croatie et d’en parler la langue. Elle comptait des familles établies depuis un siècle et plus en Hongrie, en Autriche, en Allemagne, même en Angleterre ; le peuple avait oublié leurs noms : c’étaient, en somme, des étrangers. Cet élément, par plusieurs raisons, était acquis aux Magyars. Sa présence à la Diète paralysa l’opposition, mais ne permit pas de constituer une majorité de gouvernement.
C’est peut-être à ce point de l’histoire de la Croatie qu’il faut s’arrêter pour considérer la répartition des forces sociales dans ce conflit que le dualisme a ouvert. La richesse et les habitudes