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qu’on en ait pu croire quelquefois de l’autre côté des Alpes, l’opinion réfléchie en France a toujours vu sans défaveur les progrès de l’Italie dans ces contrées. Il n’est pas venu un seul moment à notre pensée de contrarier en quoi que ce soit l’expansion coloniale de nos voisins à l’ouest de la mer Rouge, à la condition, bien entendu, que tous les droits antérieurs soient reconnus et respectés par eux. Les puissances européennes qui ont des droits ou des intérêts préexistans dans cette partie de l’Afrique sont d’ailleurs peu nombreuses. Il y a d’abord la Porte et l’Égypte qui ne font qu’un. Il y a ensuite la France qui, longtemps avant que l’Italie ait pénétré en Abyssinie, était déjà établie à Obock et au sud du golfe de Tadjoura. Il y a enfin la Russie qui a des intérêts religieux à ménager en Abyssinie. On sait qu’une mission abyssine a été tout récemment envoyée à Saint-Pétersbourg, où elle a été reçue en même temps et à peu près dans les mêmes conditions extérieures que la délégation bulgare. Le gouvernement italien s’en est montré d’abord un peu préoccupé, mais le discours du baron Blanc montre que, s’il y a eu à ce sujet quelques très légers nuages entre les deux pays, ils sont dès maintenant dissipés. Le gouvernement russe a fait savoir à Rome que ses intérêts en Abyssinie étaient de l’ordre purement spirituel : le gouvernement italien en a conclu qu’il devait traiter les popes sur le même pied que les Lazaristes, et il a promis de le faire. Par conséquent, on est d’accord. L’accord s’est fait aussi avec l’Égypte, ou du moins, comme dit M. le baron Blanc, avec les « autorités anglo-égyptiennes ». Comme personne ne connaît encore les détails de cet arrangement, on ne peut en rien dire, sinon qu’il y a lieu d’espérer que les droits de la Porte y sont respectés. Enfin vient la France, à laquelle M. le baron Blanc a adressé les invites les plus séduisantes. Il a reconnu, pour commencer, que notre attitude à l’égard de l’Italie, avait été parfaitement correcte, et cette déclaration honore également sa loyauté et la nôtre. Mais ce que l’Italie a fait au nord, il lui reste à le faire au sud. Le moment est venu de délimiter les possessions italiennes et les possessions françaises. « Il dépend de la France, a dit M. le baron Blanc, d’établir la délimitation proposée parelle en 1891. » Si M. le baron Blanc est vraiment disposé, comme il l’assure, à adhérer aux propositions de la France, l’entente se fera facile et prompte. Il connaît nos propositions, sur lesquelles nous n’avons pas varié. Un arrangement que nous avons fait avec l’Angleterre, pour la délimitation de nos zones d’influence entre le raz Djeboutil et Harrar, a d’ailleurs fixé nos droits dans ces contrées. Aucun doute ne saurait donc subsister dans la pensée du gouvernement italien. Il dépend de nous, assure-t-il, de conclure ; nous répondons que cela dépend de lui. Par malheur, — et nous ne disons pas cela pour M. le baron Blanc, — il nous est arrivé plus d’une fois avec le gouvernement italien d’échouer tout juste au moment où nous croyions atteindre le port. Les négociations commencent généralement bien