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en aucun point fructueux, si l’on ne disposait d’une machinerie puissante, portée au dernier degré de perfectionnement, et ayant absorbé d’énormes capitaux. C’est la qualité et l’efficacité exceptionnelles de cet outillage qui permettent de tirer parti au Transvaal d’élémens minéralisés qui, en d’autres pays et dans les conditions habituelles d’exploitation, eussent dû être abandonnés comme stériles.


VII

Quelles modifications l’inondation d’or dont nous menace le Transvaal apportera-t-elle dans la situation économique des États européens ? Les encaisses des grandes banques d’Angleterre, de France et d’Allemagne regorgent déjà de richesses métalliques, représentées, il est vrai, dans la circulation par du papier qui ne fait point double emploi avec ces masses d’or, ce que l’on perd quelquefois de vue lorsque l’on s’étonne de voir 1 700 millions de francs en métal jaune dormir, prétendument improductifs, dans les caves de la Banque de France. Il est évident que la monnaie surabonde déjà sous toutes ses formes, que l’excès en serait bien plus sensible encore si les bimétallistes parvenaient à obtenir la réhabilitation monétaire du métal blanc, et que, dans quelques années, à l’aurore du siècle prochain peut-être, le déluge grandissant de la monnaie aura produit des effets dont on ne peut même avoir raisonnablement l’idée dès aujourd’hui. L’intérêt de l’argent ira toujours en s abaissant : il n’est déjà plus de 3 pour 100 pour les valeurs qui servent de baromètre financier ; il descendra à 2 3/4 et à 2 1/2. Déjà le Crédit foncier a émis des obligations à 2,80 pour 100, et la ville de Paris des obligations à 2 1/2 pour 100. Ce sont des titres à lots ; mais dans un temps donné les grandes compagnies de chemins de fer convertiront leurs obligations actuelles 3 pour 100 en titres ne rapportant plus que 2 1/2 sans lots ou adopteront ce type pour leurs émissions nouvelles, comme va le faire prochainement l’une d’elles, la Compagnie d’Orléans. L’État lui-même émettra de la rente à ce taux, et y ramènera par une grande opération les quinze milliards de sa dette pour lesquels il paie encore 3 pour 100. Ainsi se continuera ce mouvement étrange dont les consolidés anglais indiquent déjà les prochaines étapes par leur cote aristocratique de 107 pour 100 pour un revenu de 2 3/4 pour 100, destiné à tomber automatiquement, dans un petit nombre d’années, à 2 1/2.

Les conséquences sociales du mouvement qui abaissera ainsi le taux de l’intérêt jusqu’à 2 pour 100 un jour, peut-être plus bas