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économiques incessans des pays orientaux dans les chiffres du commerce extérieur de la Chine en 1894, portés récemment à la connaissance du public par le rapport annuel de l’administration des douanes chinoises, placée, on le sait, sous la direction d’un état-major de fonctionnaires britanniques. En dépit des circonstances les plus défavorables, longue sécheresse dans les provinces du sud, épidémies à Canton et à Hongkong, quarantaines rigoureuses inondations dans le nord, enfin guerre avec le Japon, le volume et la valeur des transactions de la Chine avec l’étranger présentent, pour 1894, une augmentation très importante. Les importations nettes se sont élevées à 162 millions de taels haïkwan (taels des douanes-maritimes), contre 151 millions en 1893 et 135 millions en 1892, et les exportations à 128 millions contre 117 et 102 dans les deux années précédentes. Les exportations ont été stimulées par la dépréciation du tael, évalué en or[1]. On a aussi remarqué que nombre d’articles chinois (en dehors du thé, de la soie et du coton), qui, auparavant, ne quittaient point le pays, trouvent aujourd’hui un marché au dehors. Il n’y a pas à parler, à propos de la Chine, d’un mouvement industriel proprement dit, mais il n’est pas sans intérêt de signaler, comme point de départ, d’après M. Jamieson, consul anglais à Shanghaï, l’établissement près de cette ville, en 1893, de trois grandes filatures de coton et de quelques autres plus petites dans les environs, avec 150 000 à 200 000 broches ; entreprises purement indigènes, où aucun Européen n’est intéressé. L’ouvrier chinois se contente d’un salaire quotidien de 30 à 50 centimes par jour. Avec une main-d’œuvre aussi peu coûteuse, un déplacement graduel d’Occident en Orient du siège de toutes les grandes industries n’est plus une conception chimérique. Le Japon nous a appris avec quelle facilité les nations orientales peuvent acquérir l’outillage mécanique des peuples européens et l’instruction nécessaire pour le mettre en œuvre.


VI

Ces faits sont aujourd’hui connus dans tout le monde industriel et commercial ; la presse les a signalés à l’attention des indifférens ; ses commentaires ont dénoncé le péril à ceux qui affectaient de ne pouvoir comprendre. Ils éclairent puissamment la crise économique et permettent de ramener à leur valeur

  1. Le tael haïkwan, monnaie nationale, à base d’argent’, vaut nominalement 7 fr. 50, mais sa valeur réelle, par rapport à l’or, varie en proportion de la dépréciation du métal argent. Elle a été en moyenne de 4 fr. 85 en 1893, et de 4 francs en 1894.