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en quelque sorte le monopole, sont-elles expédiées pour la plus grande partie en écru. Elles sont teintes par l’industrie indigène, qui dispose d’un outillage encore très grossier, mais n’a que des frais généraux insignifians, avec une main-d’œuvre très bon marché.

Ce peuple, après avoir recueilli si avidement les leçons des Occidentaux, tend à se passer de plus en plus du concours de l’étranger. Le Chinois, vaincu, est obligé, pour payer la rançon de son territoire, d’emprunter à l’Europe, sous le couvert de la garantie de la Russie. Le Japon, vainqueur, a fait face à tous les frais de la guerre avec ses seules ressources nationales, réserve du Trésor et emprunts publics[1], et cependant, à la fin de la campagne, les dépenses s’élevaient à près de 3 millions de francs par jour.

Dans son rapport pour 1893, le vice-consul de France à Kobé, M. de Lucy-Fossarieu, signale les efforts que font les Japonais pour s’affranchir, au Japon même, de l’intermédiaire des importateurs étrangers et pour se créer directement de nouveaux débouchés. Leurs missions commerciales parcourent l’Australie, les Philippines, le Siam, les îles du Pacifique. A Singapore, la baisse de l’argent leur permet de mettre en vente des produits similaires aux produits européens à des prix que ceux-ci ne peuvent supporter, et la presse anglaise locale prévoit une révolution dans le commerce de cette région. L’énumération des articles très variés de cette exportation, qui atteint déjà une valeur de plus de 10 millions de yens, est curieuse : les allumettes japonaises remplacent déjà presque partout, sur les marchés chinois, les allumettes suédoises ou viennoises ; sont aussi très demandés, provenance du Japon, les parapluies en alpaga ou coton, les boutons de métal, « nattes, verreries, tresses de paille, savons, papiers de tenture et autres, fils de cuivre et de laiton, tapis, caleçons, gilets, gants, chaussettes de coton, chapeaux, chaussures, vêtemens européens, cigarettes, lampes, pendules, montres, valises, sacs de voyage, tant d’autres objets qui, à cause de leur peu d’importance, ne figurent pas nominativement sur les tableaux de la douane. » Kobé, d’où écrit M. de Lucy-Fossarieu, à une importance commerciale, comme port d’exportation, qui ne le cède à celle de Yokohama que parce que le commerce des soies est presque entièrement concentré dans la région de ce dernier port. Kobé et la ville voisine, Osaka, sont en même temps le grand contre de l’industrie cotonnière.

On trouve encore un nouveau témoignage des progrès

  1. Les emprunts ont donné 106 millions de yens, des souscriptions volontaires 2 millions et demi. Le total des billets émis par le gouvernement, la Banque du Japon et les banques nationales, s’élevait, en décembre 1894, à 175 millions de yens.