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En 1868, le Japon exportait pour 16 millions de yens et importait pour 11 millions. Le yen, monnaie nationale japonaise, en argent, avait à cette époque, au pair de l’or, une valeur de 5 fr. 17, le métal blanc n’ayant encore subi aucune dépréciation. Aujourd’hui le yen perd près de 50 pour 100 au change, et ne vaut plus en or que 2 fr. 75 à 3 francs dans les transactions avec les pays à étalon d’or[1] ; mais le Japon a exporté en 1894 pour 113 millions de yens et importé pour 117 millions. Tout compte tenu de la dépréciation de la monnaie, qui, pour une même quantité, fait ressortir une valeur plus grande[2], il reste un développement considérable du commerce extérieur. La valeur totale des échanges, qui n’était encore que de 142 millions de yens en 1891, a été de 160 en 1892, de 178 en 1893, de 230 enfin en 1894, soit, à 2 fr. 80 le yen, une valeur de 645 millions de francs contre 146 millions il y a moins de trente ans.

Aux exportations l’accroissement a porté sur la soie brute (39 millions de yens au lieu de 28), sur les pièces de soie (7,2 au lieu de 3,5), sur le charbon (6,5 au lieu de 5). L’élévation du prix de la houille a compensé largement les pertes résultant des entraves opposées aux transports par l’état de guerre. La marine japonaise, les chemins de fer ont fait dans la seconde moitié de 1894 une consommation considérable de combustible. La baisse de l’argent a permis, en outre, malgré la cherté du fret, d’expédier des quantités importantes de houille en Chine même (338 000 tonnes), à Hongkong (400 000 tonnes), aux Philippines (50 000), dans l’Inde anglaise (164 000). Nos charbons du Tonkin pourront difficilement lutter contre la concurrence du charbon japonais.

Les Japonais importent encore, de la Chine principalement, les sucres roux, dont la consommation, chez eux, ne cesse de se développer ; mais ils font déjà des essais sérieux de culture de la canne à sucre dans le Hokkaido et dans les îles Liou-Kiou. Ils achètent aussi leur laine à. l’étranger, l’élevage du mouton n’ayant pu réussir après vingt années de patientes tentatives. C’est ainsi que l’article principal d’importation de la France au Japon est la mousseline de laine, spécialité dont nos fabricans ont vendu aux Japonais, en 1894, pour 3 millions de yens, tandis que nous leur achetons chaque année pour près de 20 millions de yens de soie brute. Encore ces mousselines de laine, dont nous avons

  1. Exactement ce que vaudrait notre pièce de 5 francs si on voulait l’utiliser pour des paiemens à effectuer à l’extérieur.
  2. Les marchandises, en effet, à l’entrée en douane, sont évaluées en la monnaie du pays. A Yokohama, à Kobé, cette monnaie est le yen, appelé aussi piastre ou dollar. A quantité égale, la valeur des marchandises importées ou exportées s’élève ou diminue selon les fluctuations de cours du change de la monnaie locale.