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frais de transport, le colon asiatique ne peut encore lutter à Moscou avec celui des États-Unis, qui vendent à la Russie environ 120 millions de kilogrammes. Le gouvernement russe n’a pas seulement établi un droit d’entrée pour la protection du coton d’Asie, il a pris en outre toute une série d’intelligentes mesures pour une extension rapide de la culture cotonnière, par la multiplication des voies de transport, par l’organisation d’un crédit agricole, par l’amélioration des procédés d’exploitation et l’établissement d’un contrôle rigoureux sur la qualité des produits mis en vente.

Rappelons pour mémoire que la production de la houille, dans les deux grands bassins de la Pologne et du Donetz, atteint aujourd’hui 8 millions de tonnes, ayant à peu près triplé dans l’espace de quinze années, et que l’apparition de cette richesse houillère a provoqué, dans la Russie méridionale, un mouvement industriel où les capitaux étrangers ont pris une part très importante, des capitaux belges notamment. En peu d’années se sont constituées là des entreprises qui paraissent destinées à un brillant avenir et appellent sérieusement l’attention de ceux de nos capitalistes qui estiment que la France a tout intérêt à donner à son alliée les moyens de se fortifier dans toutes les branches de l’activité économique. Les usines nationales donnent aujourd’hui en Russie 71 millions de ponds de fonte[1], 30 millions de fer, 30 millions d’acier. Les chemins de fer tirent désormais de ces usines le matériel de toute nature dont ils ont besoin.

Les progrès industriels ont marché parallèlement avec les développemens de l’agriculture. Quant au commerce extérieur, il est resté à peu près stationnaire dans les dix dernières années, mais un grand changement s’est produit dans la répartition du total entre les importations et les exportations. A un excédent d’importations de 35 millions de roubles en 1881 a succédé un excédent d’exportations de 151 millions en 1893. Naturellement la Russie n’exporte guère encore que des produits de son sol ; mais le fait que pour les fabrications elle a déjà sensiblement moins besoin de l’étranger qu’il y a une quinzaine d’années ne saurait être considéré comme négligeable pour la production de l’Europe occidentale.

C’est aujourd’hui tout le continent européen, Russie, Allemagne et France, qui bat en brèche le monopole traditionnel de la fabrication du Lancashire. Les filateurs et, tisseurs anglais voient surgir dans toutes les parties du globe des métiers à produire ces filés et ces cotonnades dont seuls, il y a moins d’une

  1. 1 pond = 16 kilogrammes.