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la plus grande étendue de ses frontières méridionales et orientales, elle est en contact avec des populations qui ne connaissaient jusqu’ici d’autre instrument des échanges que l’argent, Le choix du métal, à moins d’évolution imprévue dans la marche monétaire du monde, est donc assuré dès aujourd’hui. Il ne reste de doute que sur la quantité d’or qui sera assignée comme poids du rouble. Nous pensons qu’elle ne s’écartera pas sensiblement de celle qui est contenue dans 2 francs 75, soit 886 milligrammes à neuf dixièmes de fin, valeur assignée depuis longtemps à la monnaie russe par la cote des changes internationaux[1].

En attendant ce rétablissement de la circulation métallique, l’empire moscovite se servira des billets de crédit émis par la Banque de Russie, qui circulent avec la même facilité dans toute l’immensité du territoire, depuis Varsovie jusqu’à la mer de Chine, et sont même acceptés dans les pays limitrophes, tels que la Perse et les États du centre d’Asie. Quoique celle Banque n’ait pas d’existence réellement indépendante, elle a reçu une organisation distincte. Ses statuts, remaniés une première fois en 1860, viennent d’être refondus en 1894 ; sa comptabilité a été, au commencement de 1895, assise sur des bases nouvelles. L’importance de son rôle dans l’organisation monétaire est trop grande pour qu’il ne soit pas nécessaire de bien expliquer la portée de ces mesures.

La Banque de Russie n’a d’autre capital propre qu’une dotation originaire de 25 millions de roubles, récemment portée à 50 millions, dont 36 200 000 pour la banque centrale et 13 800 000 pour ses cent six succursales. Son bilan se présente comme celui de la Banque d’Angleterre, c’est-à-dire avec un département de l’émission intitulé : « fonds d’échange et billets de crédit », et un département des « opérations commerciales ». Les billets émis figurent maintenant tous au passif du département de l’émission pour 1 121 millions, chiffre du 13 mars 1895, soit un peu plus de trois milliards de francs au change du jour. Le bilan distingue les billets émis à titre définitif et les 75 millions émis en vertu de l’oukase du 28 juillet 1891 « après versement au fonds d’échange d’un montant nominal égal en roubles or ». Si de cette circulation nous déduisons les 115 millions de roubles qui sont en réserve dans l’encaisse du département des opérations commerciales, nous voyons que le chiffre réel aux mains du public ne dépasse pas un milliard de roubles. Quelle est la contre

  1. C’est sur cette base de la cote des changes que se poursuit la réforme monétaire de l’Autriche-Hongrie, dont la situation, sous beaucoup de rapports, était analogue à celle de la Russie. Ce n’est ni le florin d’argent, ni le florin d’or qui a servi à déterminer la nouvelle unité, mais bien le florin de papier, qui valait plus que l’argent et moins que l’or, exactement comme le rouble-crédit.