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d’ailleurs être nominatifs : le propriétaire avait alors la faculté de les endosser ; et lui aussi bien que les endosseurs successifs étaient autorisés à y inscrire leurs dispositions testamentaires, qui devenaient valables au regard de la banque débitrice.

Ces divers avantages assurés aux dépôts les firent affluer aux banques, dont les ressources grossissaient sans relâche, mais qui éprouvaient des difficultés de plus en plus grandes à faire valoir les énormes capitaux ainsi accumulés dans leurs caisses ; elles devaient cependant, sous peine de déficit, en retirer un intérêt supérieur ou tout au moins égal à celui qu’elles s’étaient engagées à servir à leurs créanciers. Le Trésor de son côté n’avait pas manqué de jeter les yeux sur une proie aussi tentante et s’était peu à peu fait consentir des avances de plus en plus importantes à échéance lointaine, en général pour vingt-huit ans. Le défaut de concordance entre les dates d’exigibilité d’un passif remboursable à vue et d’un actif immobilisé (dans des opérations à long terme ne pouvait manquer d’amener une crise. Lorsque le ministre des finances Brock voulut, en 1857, abaisser le taux d’intérêt servi aux déposans, des retraits se produisirent et mirent en péril tout ce système fondé sur une conception fausse. Au 1er janvier 1859 les dépôts des particuliers remboursables à vue dépassaient 700 millions de roubles, tandis que la totalité des disponibilités des banques, numéraire, portefeuille d’escompte et de titres n’atteignait pas 100 millions. Elles avaient immobilisé près d’un milliard en prêts à long terme, consentis moitié au gouvernement, moitié aux particuliers. Les demandes de remboursement menaçaient d’amener une catastrophe.

De la crise sortit la réforme de la Banque de Russie, qui reçut ses nouveaux statuts le 31 mai 1860 et fut chargée de liquider pour compte du Trésor toutes les opérations de ces divers établissemens. Organisée d’après le système de la banque d’Angleterre, elle a deux départemens : celui de l’émission, dans lequel se concentre tout ce qui a trait à la création des billets et à leur garantie métallique, et celui des opérations commerciales, qui reçoit les dépôts, fait l’escompte et les avances. Les prêts hypothécaires lui demeurèrent interdits. Sous la direction de l’éminent Lamansky, qui était venu étudier à Paris le mécanisme de la Banque de France avant d’être mis à la tête de la Banque de Russie, celle-ci prit un essor nouveau et exerça une heureuse influence sur le développement économique du pays. Elle fit connaître au public l’usage des comptes-courans, des comptes de chèques ; elle émit les premiers emprunts intérieurs avec et sans lots, les obligations de chemins de fer, elle favorisa la fondation