chocs, nombre, masse, dimensions des molécules, aucune de ces particularités que leur délicatesse semblait dérober à jamais à nos regards, ne lui demeure cachée ; surpris de ces résultats, l’esprit des physiciens connaît de nouveau cette ivresse que l’hypothèse de l’attraction moléculaire et ses merveilleuses conséquences versaient à plein bord aux contemporains de Laplace et de Poisson ; il semble que l’on ait enfin trouvé la forme définitive et comme le type éternel des théories physiques ; il semble que le rêve de Laplace soit près d’être réalisé, et que l’intelligence humaine soit devenue assez pénétrante pour suivre la trajectoire du moindre atome au sein d’un corps avec la même précision que l’orbite d’une planète dans les cieux.
Puis, peu à peu, les contradictions, les difficultés que l’on n’avait pas aperçues d’abord, mais qui s’élèvent une à une comme autant d’objections à la théorie cinétique des gaz, viennent attiédir l’enthousiasme qu’elle avait embrasé.
Les premiers auteurs de la théorie cinétique avaient assimilé les molécules de l’air et des autres gaz à de simples points matériels qu’une extrême vitesse emportait en ligne droite ; mais, dans cette hypothèse, le rapport de la chaleur spécifique sous pression constante à la chaleur spécifique sous volume constant prenait une valeur beaucoup plus grande que celle que l’expérience lui assigne. Pour réduire la valeur de ce rapport, Clausius est obligé de compliquer la théorie ; les molécules ne sont plus de simples points matériels sans dimension, mais de petits corps, dont la grandeur, si faible soit-elle, ne peut être négligée ; tandis que le centre de gravité de chaque molécule se meut en ligne droite, la molécule tourne autour de son centre de gravité, et des mouvemens vibratoires impriment à sa forme de périodiques variations.
Mais alors, une nouvelle difficulté surgit : pour rendre compte des diverses lois que l’expérience nous a fait connaître, Clausius est obligé de supposer que la force vive des mouvemens de rotation et de vibration est à la force vive des mouvemens de translation dans un rapport qui demeure le même sous toutes les pressions, à toutes les températures ; au premier abord, on n’entrevoit aucun moyen d’expliquer rationnellement cette loi étrange. Toutefois, Maxwell, en introduisant dans la théorie cinétique de nouvelles hypothèses, parvient à rendre compte de la constance du rapport des deux espèces de force vive ; mais les hypothèses nouvelles sont-elles toutes acceptables ? W. Thomson, sur ce point, contredit Maxwell, et, placés entre les opinions inconciliables de ces deux puissans esprits, les physiciens hésitent à se prononcer.
Non contente de déconcerter les physiciens par l’incertitude