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avis paraisse téméraire au premier abord, c’est vers lui que penchent plusieurs physiciens qui ont fait de ce problème l’objet de leurs méditations ; qu’il me suffise de citer le nom de M. H. Poincaré : « Le mécanisme est incompatible avec le théorème de Clausius » ; telle est la conclusion qu’énonce l’illustre géomètre.


II


Le discrédit n’avait pas attendu que l’on signalât ces difficultés pour atteindre les hypothèses touchant la nature mécanique de la chaleur ; l’infécondité d’une théorie qui avait, à son origine, excité de vastes espoirs, la théorie cinétique des gaz, avait, depuis longtemps, provoqué la méfiance des physiciens à l’encontre de ces hypothèses.

La chaleur est un mouvement des plus petites parties des corps ; ce mouvement est extrêmement rapide, mais la trajectoire qu’il fait décrire à chaque particule demeure toujours enfermée dans un espace très étroit ; telles sont les assertions qui servent de fondement à la théorie mécanique de la chaleur. Ces assertions renseignent, assurément, sur la nature de la chaleur, mais les renseignemens qu’elles fournissent sont bien généraux, bien peu détaillés ; les esprits curieux éprouvent quelque peine à s’en contenter ; ils veulent pénétrer plus intimement les particularités du mouvement qui constitue la chaleur, connaître la forme de la trajectoire décrite par chaque particule, déterminer la loi des forces que ces diverses particules exercent les unes sur les autres.

Assurément, les molécules ne doivent pas être soumises aux mêmes forces, ni décrire les mêmes trajectoires, dans un corps solide que dans un liquide ou dans un gaz, dans une vapeur facilement liquéfiable que dans un gaz permanent. S’il est une catégorie de corps où l’on ait chance de découvrir les lois du mouvement calorifique, c’est assurément la famille des gaz difficiles à liquéfier, des gaz parfaits ; toutes les propriétés mécaniques et thermiques de ces corps sont connues ; elles sont régies par des équations d’une simplicité et d’une uniformité remarquables ; cette simplicité avait déjà attiré l’attention des physiciens qui suivaient l’hypothèse du calorique ; c’est aux gaz parfaits que Laplace avait appliqué leur supposition pour la suivre jusqu’à ses dernières conséquences ; c’est donc par l’explication purement mécanique des propriétés des gaz parfaits qu’il convient de commencer l’analyse du mouvement que nous nommons chaleur.

D’ailleurs, tout n’est pas à créer dans cette explication ; les principes qui lui doivent servir de points de départ sont déjà trouvés au moment où refleurit la théorie mécanique de la cha-