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recommande à sa femme la lecture des proches de Luther, notamment de ceux qui ont trait à l’évangile de saint Jean. Celle-ci, de son côté, lui signale les psaumes qui lui paraissent le mieux s’appliquer à leur malheureux sort.

Près de deux années se passèrent ainsi sans amener grand changement dans une situation qui, seulement vers l’automne de 1572, prit enfin meilleure tournure. C’est probablement à l’instigation du docteur Schwartz, conseiller du comte Jean, chargé spécialement de cette affaire, que, sur les instances réitérées de Maria Pypelincx, on commença à traiter de la libération du captif et des conditions auxquelles elle pourrait être obtenue. Au mois d’octobre tous les mandataires des princes d’Orange se trouvaient réunis à cet effet au château de Beilstein où, après son accouchement à Dietz, Anne de Saxe avait été transférée. C’est là que, pour la première fois depuis son arrestation, Maria Pypelincx put voir son mari qui lui parut très changé d’aspect, souffrant et prématurément vieilli. Mais l’espoir de sa prochaine délivrance adoucissait un peu le chagrin qu’elle éprouvait à le retrouver en cet état. Il fallut cependant attendre encore jusqu’au mois de mai de l’année suivante pour la conclusion des pourparlers engagés à cet effet. Le 9 de ce mois, Jean Rubens, après avoir renouvelé « l’aveu de son crime, hélas ! d’adultère commis au corps de Madame la princesse d’Orange », atteste que c’est sur les instances réitérées de sa femme et de lui-même qu’un accord a pu être conclu. Cet accord porte en substance que moyennant une caution de 6 000 thalers fournie par sa femme et dont les intérêts à cinq pour cent seront payés à celle-ci, le prisonnier sortira de son cachot pour être interné à Siegen. Non seulement il ne pourra quitter cette ville, mais il n’aura pas même « la liberté, à moins d’une permission spéciale du commis des princes, de pouvoir assister aux saintes assemblées de l’église, ou promener quelquefois aux champs pour sa santé, étant rempli de mauvaises humeurs que le sentiment de son péché, sa longue estroite prison et mélancolie lui ont causées. » Il sera d’ailleurs tenu de se présenter à première réquisition devant le prince et de se constituer son prisonnier dès que celui-ci le lui enjoindrait. En cas de mort ou de captivité nouvelle de Rubens, si les conditions consenties par lui ont été respectées, la caution versée par sa femme lui sera restituée dans un délai déterminé.

Dès le lendemain, Maria Pypelincx souscrit le contrat et s’engage sur l’honneur à s’y conformer. Elle se rend aussitôt à Cologne afin de réunir la somme stipulée, somme très considérable pour l’époque, et de s’occuper en même temps des préparatifs d’installation avec ses enfans et son mari dans une maison qu’elle